Un employé de l'entreprise Robert Transport pourrait être accusé d'agression armée après avoir foncé sur un groupe de travailleurs qui avaient érigé jeudi matin une ligne de piquetage devant le siège de l'entreprise, à Boucherville, en blessant un sérieusement.

Vers 7h, un groupe d'une trentaine de travailleurs en lock-out de l'usine Kronos de Varennes est arrivé en autobus devant le siège du géant du transport routier. Cadenassés hors de leur lieu de travail le 13 juin dernier, les 327 syndiqués de cette entreprise fabriquant de la base de peinture avaient choisi de viser Robert Transport qu'ils accusent d'aider Kronos à fonctionner malgré le lock-out en assurant le transport de marchandises pour le compte de leur employeur.

Ils ralentissaient l'entrée des travailleurs du transporteur et apposaient de petits autocollants sur les camions entrant dans sa cour au 20, boulevard Marie-Victorin.

Puis, est arrivé un employé de Robert, au volant d'une Ford Explorer. La suite de la scène a été captée par un manifestant dans une vidéo. On entend les manifestants crier et injurier le conducteur.

On voit l'employé de Robert Transport discuter hors de sa camionnette avec des lockoutés qui le raccompagnent avec insistance dans son véhicule. Puis, il démarre en trombe et roule carrément sur un homme de 64 ans avec sa roue avant gauche, avant de s'immobiliser.

Un attroupement se forme alors autour du camion.

Pendant que le pauvre homme est inconscient au sol, plusieurs syndiqués haranguent le conducteur. L'un d'eux ira même jusqu'à tenter de lui asséner un coup de poing au visage. On voit clairement d'autres employés retenir des collègues désireux de faire la même chose. L'un d'eux fracassera une vitre du véhicule Explorer.

Les secouristes et la police sont ensuite arrivés. Les pompiers ont pu soulever le camion pour dégager l'homme toujours évanoui.

Il a toutefois repris ses esprits après l'arrivée des techniciens ambulanciers et souffre de lacérations et de brûlures, rapporte Bruce Dyotte, porte-parole de la Coopérative des techniciens ambulanciers de la Montérégie (CETAM). D'autres piqueteurs ont été très légèrement blessés.

Le conducteur de 47 ans a été mis en état d'arrestation et sera interrogé par les policiers de Longueuil qui traitent l'affaire comme un cas d'agression armée, l'arme étant la voiture. L'homme pourrait devoir faire face à des accusations dans les prochains jours.

Les enquêteurs de la police de Longueuil ont rencontré de nombreux témoins et disposent de plusieurs bandes vidéo de la scène. Ils ont également envoyé le véhicule du prévenu subir une inspectionmécanique.

Des piqueteurs de Kronos préférant ne pas s'identifier se disaient dans les minutes suivant l'incident sous le choc et en colère contre le conducteur qu'ils accusent d'avoir foncé délibérément sur eux.

«Voir un gars pris du coeur coincé au niveau de la gorge sous une roue, avec le sang qui gicle, ça fait quelque chose. Une vitre de camion cassée, ce n'est pas grand-chose en comparaison», a déplorél'un d'eux.

Président de la Fédération de l'industrie manufacturière de la CSN, auquel sont affiliés les travailleurs du Syndicatnational des employés de Kronos Canada, Alain Lampron, abonde dans le même sens.

«On ne sais pas ce qui s'est dit avant, mais une chose est certaine, ce n'est pas un accident. Les travailleurs l'ont invité à prendre son véhicule et à quitter. Tout est dans la manière de quitter. Nous avons déjà vu des cas de voitures forçant une ligne de piquetage en avançant lentement, en poussant un peu les gens, qui accrochent un coude avec le miroir, mais si brutalement et sans avertissement, c'est la première fois je vois ça», déplore-t-il.

«Plus la tension monte, plus des évènements semblables sont à risque de se produire. La tension monte parce qu'on ne négocie pas. Il y a eu des interventions juridiques pour empêcher les gens de manifester. Robert Transport doit se demander si c'est une bonne chose de travailler avec Kronos. L'entreprise nuit aux chances de règlements en aidant la compagnie à fonctionner normalement», ajoute le syndicaliste.

La direction de Robert Transport offre une autre interprétation des faits.

«Un de nos employés se rendait au travail ce matin avec son véhicule personnel et a été encerclé par les manifestants à son arrivée. Dans le brouhaha de l'incident, un manifestant s'est retrouvé sous le véhicule personnel de notre employé», a commenté Caroline Lacroix, directrice des communications pour l'entreprise. Elle qualifie Kronos de client important pour Robert Transport.