Environ 200 étudiants ont bloqué pendant deux heures l'accès au centre de distribution de la SAQ, au coin des rues de Boucherville et des Futailles, alors que d'autres se seraient inspirés des 10 plaies d'Égypte en lâchant des milliers de criquets dans l'immeuble de HEC.

L'action à la SAQ s'inscrit dans la lignée des perturbations économiques annoncées par les étudiants. Et elle s'est avérée plus perturbante que celle de la semaine dernière au cours de laquelle les étudiants avaient encerclé le siège social de la SAQ, sur l'avenue de Lorimier.

Le groupe s'était massé vers 8h autour de la station de métro Papineau, sur la ligne verte. Ils ont pris le métro vers l'est pour descendre à la station Langelier.

Là, ils ont sillonné les rues  sous l'oeil des policiers, qui les observaient nerveusement. Allaient-ils s'attaquer au port de Montréal une fois de plus, bloquer l'entrée du pont-tunnel La Fontaine, paralyser la SAQ?

Rapidement, cette dernière option s'est avérée la bonne. D'ailleurs, une dizaine de manifestants sont arrivés avant les autres pour prendre possession des lieux.

Subitement, à l'angle des rues Haig et Beauclerk, la foule s'est mise à courir à travers un terrain industriel pour aboutir dans la rue des Futailles, devant le centre de distribution de la SAQ. Le groupe s'est alors scindé, et une poignée de manifetants est allée bloquer la sortie des camions, rue Boucherville, de l'autre côté.

Cette position a de nouveau mis les policiers sur les dents puisque 10 m et une clôture séparaient le groupe de l'autoroute 25 Sud et de l'entrée du tunnel. Plusieurs policiers de la Sûreté du Québec se sont approchés, au cas où les manifestants auraient été tentés de sauter la clôture.

Le blocus des deux rues a pris de nombreux camionneurs en souricière. Ceux qui sont payés à l'heure et syndiqués, comme ceux de la SAQ, ont pris la chose avec un grain de sel, mais les indépendants qui passent par la rue des Futailles pour se rendre au port de Montréal l'ont trouvée moins drôle.

«Je suis payé au conteneur, ça a un gros impact pour moi», a tempêté l'un d'eux.

Un autre, aussi payé à l'heure et donc pénalisé par l'action, s'est montré plus modéré : «Il faudrait que le gouvernement fasse ses coupes ailleurs», opinait-il.

Au volant de son camion blanc et rouge vin de la SAQ, un autre a expliqué que cette action pourrait avoir des conséquences financières pour la société d'État : «C'est Pâques, un congé de quatre jours avant lequel nous devons faire beaucoup de livraisons. Il y en a qui ne pourront pas se faire, ou qui seront faites plus tard, en heures supplémentaire.»

La section des commandes privées, où importateurs et restaurateurs vont chercher leur vin, a aussi été fermée. Quelques restaurateurs comptent donc parmi les victimes collatérales de cette action.

«Le blocage du siège social n'était qu'un prélude. Aujourd'hui, avec le long congé, on cause une vraie perturbation économique», a affirmé un des leaders des manifestants.

La police a surveillé le groupe sans intervenir. Les protestataires ont quitté les lieux d'eux-mêmes vers 11h15.

«L'impact ne sera pas si gros. La plupart des camions étaient sortis avant qu'ils arrivent. Mais il va falloir que le gouvernement fasse quelque chose pour eux», a confié un employé une fois le blocus terminé.

Pendant ce temps, un groupe a fait irruption dans l'immeuble de HEC Montréal, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, pour y libérer des centaines de criquets. Certains des manifestants qui occupaient la SAQ, amusés par cette action, ont parlé de 10 000 insectes.

L'école n'a pas voulu confirmer ce chiffre.

«Une firme d'exterminateurs a déjà procédé au nettoyage des lieux. À aucun moment, les activités ou cours de l'École n'ont été perturbés», a déclaré Liliane Pin, porte-parole de l'institution.

Le journal étudiant de cette école, L'Intérêt, a reçu une lettre revendicatrice qui fait référence aux 10 plaies d'Égypte (parmi lesquelles il y a une invasion de sauterelles) pour expliquer le geste.

On y accuse les HEC d'incarner «la collusion du commerce» et d'être un lieu de science transformé en «repaire de brigands».

«Que l'opération plaie d'Égypte soit lancée, bande de putes babyloniennes», conclut la missive.

L'«ambassade» du Québec à Toronto assiégée

Il n'y a pas qu'au Québec que les étudiants continuent à manifester malgré l'annonce du gouvernement Charest: le Bureau du Québec à Toronto a été pris d'assaut par une quinzaine d'étudiants jeudi en matinée, alors que les ministres Beauchamp et Bachand annonçaient des changements au régime des prêts et bourses.

Selon Xavier Lafrance, porte-parole du groupe, les manifestants ont exigé que leurs revendications soient envoyées au gouvernement du Québec par la délégation elle-même. Une employée de bureau aurait acquiescé après de longues négociations, selon les étudiants. L'occupation a duré environ une heure.

«Le ton a monté pendant quelques secondes» avec les policiers torontois, mais le coup d'éclat s'est globalement déroulé dans le calme, selon M. Lafrance. Lui-même était l'un des principaux leaders étudiants lors de la dernière grève, en 2005.

Le Bureau du Québec à Toronto n'a voulu émettre aucun commentaire sur la situation.

Photo tirée de Facebook

Des milliers de criquets aux HEC...