Présumés membres influents de la cellule mafieuse démantelée ce mardi matin par la police dans l'est de Montréal, les frères Carmelo et Emanuele Padula étaient dans la mire des policiers depuis un bon moment.

D'ailleurs, la police de Montréal a récemment obtenu la révocation définitive du permis d'alcool d'un bar de Rivière-des-Prairies qui était la propriété de leur mère, mais où un autre frère Padula, Vincenzo, en menait large comme gérant, et qui a été le théâtre de coups de feu, de visites menaçantes de membres de gangs de rues, et qui a été la proie, comme des tonnes de cafés italiens de l'est de la ville dans les dernières années, d'une attaque au cocktail Molotov.

Les Padula, tous deux dans la trentaine, seraient au nombre des suspects arrêtés ce mardi matin dans la cadre de la rafle policière qui a permis le démantèlement d'une cellule très active du crime organisé italien sévissant dans l'est de Montréal.

L'organisation décapitée par la police de Montréal, la Sûreté du Québec et la GRC pouvait écouler sur le marché une trentaine de kilos de cocaïne par mois, selon ce qu'a pu apprendre LaPresse.ca. Le porte-parole de la police de Montréal, l'agent Daniel Lacoursière, parle plus précisément de «50 kilos depuis le mois d'octobre».

Cela représente un très important chiffre d'affaires.

Vers 4h ce matin, une centaine de policiers, surtout membres du SPVM, ont investi 13 résidences et locaux commerciaux, dont 10 dans l'est de Montréal, les autres se trouvant à Longueuil, l'Assomption et Charlemagne.

14 personnes ont été arrêtées, dont les deux frères Padula. Huit d'entre eux étaient déjà connus des policiers. On compte également parmi eux trois femmes. Tous comparaîtront mercredi au palais de justice de Montréal pour répondre à des accusations liées au trafic de drogue.

Un garage situé dans le lugubre cul-de-sac que constitue l'extrémité sud de la 54e rue, dans Rivière-des-Prairies, a été perquisitionné. On y a trouvé des balances porteuses de résidus de coke et d'autre matériel servant à la coupe et la préparation de drogue en vue de sa mise en marché. Le garage appartient à des proches des Padula.

Une quantité de cocaïne et de marijuana indéterminée pour l'instant a aussi été saisie, notamment dans une cache de drogue de l'avenue de l'Authion, près de la place Versailles.

Une plantation de marijuana a aussi été démantelée ainsi qu'un coffre fort saisi, dans une résidence de la rue Ricard, à Charlemagne, où un homme a été arrêté.

L'enquête qui a mené à cette opération d'envergure a débuté en mai dernier, à la suite d'informations acheminées aux enquêteurs de la Division du crime organisé de la police de Montréal.

Les Padula sont des sujets d'intérêt de ces enquêteurs depuis belle lurette.

De l'été 2010 jusqu'au printemps dernier, leur mère, Caterina Padula, propriétaire du café bar Ferrari, rue André-Ampère dans Rivière-des-Prairies, a livré bataille contre la police de Montréal devant la Régie des alcools, courses et jeux, après que celle-ci eut révoqué le permis d'alcool du bar sur recommandation de la police.

Durant les audiences, le sergent-détective Jean-Claude Gauthier de la police de Montréal, aujourd'hui retraité, avait affirmé devant la Régie que Vincenzo Padula, gérant du Ferrari, y vendait de la drogue. Il y aurait même selon le policier utilisé des membres de gangs de rue d'allégeance rouge, les Bo-Gars, pour vendre de la drogue, sans les payer.

Ceux-ci, pour se venger de Padula et prendre le contrôle de la vente de stupéfiants dans le secteur, auraient commis divers actes menaçants et violents qui ont fait craindre le pire à la police, d'où la demande de fermeture du bar devant la Régie.

Ainsi, les policiers ont raconté devant la Régie que des individus de race noire ont fracassé la vitrine du bar en mars 2009 en y lançant quatre briques. L'automne suivant, c'est un cocktail Molotov qui était lancé contre la façade.

Décembre 2009, un individu serait entré dans le bar en pointant une mitraillette vers les clients, sans tirer, avant de fuir.

Dans les mois suivants, des événements où des «drive-by shooting» ont été simulés et lors desquels des coups de feu ont été tirés ont amené les policiers sur les lieux à quelques reprises. Autour du bar, ils ont saisi de nombreuses armes sur les lieux, dont un pistolet noir de calibre 50, «une des (armes les) plus puissantes au monde», avait témoigné le sergent-détective Gauthier, qui disait que c'était du jamais vu, dans les gangs de rues, ce type d'arme.

La goute qui a fait déborder le vase, c'est une rencontre au Ferrari, le 3 juin 2010, entre les frangins Padula et Ezekiel Monuma, un dangereux leader des Bo-Gars.

C'est à ce moment que la police a obtenu la révocation temporaire du permis d'alcool du bar, révocation devenue définitive en juin dernier sur décision de la Régie.

M. Gauthier avait également affirmé devant l'organisme, en mars dernier, que Vincenzo Padula avait continué la vente de drogue depuis la fermeture du Ferrari, et avait toujours maille à partir avec certains membres de gangs de rue.

Si sa mère était la propriétaire officielle du Ferrari, elle travaillait dans sa boutique de vêtement. C'est Vincenzo Padula qui passait la majeure partie de son temps au bar.

Celui-ci s'était défendu, disant n'être que victime des gangs de rues, et avoir acheté ce bar avec sa mère en 2008, en toute bonne foi, de son oncle Donato, sans savoir quelles tuiles lui tomberaient dessus. Il disait d'ailleurs envisager un déménagement de son établissement vers l'arrondissement de Saint-Laurent pour fuir les gangs.

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Quatorze personnes, soit 11 hommes et trois femmes, ont été arrêtées.