Cafés italiens: une 12e attaque

Quel café italien sera le prochain sur la liste? La question mérite d'être posée, surtout après le douzième attentat en moins de deux mois commis contre un établissement licencié de la communauté italienne de Montréal.

Le Service de police de la ville de Montréal a confirmé hier que 12 cafés et bars italiens -et non huit comme l'affirmaient plusieurs médias- ont été ciblés par la vague d'attentats au cocktail Molotov qui secoue la ville depuis la fin septembre. 

Quelques incidents sont tout simplement passés sous le radar, notamment le tout premier, survenu le 22 septembre au bistro Solaris du quartier Côte-des-Neiges. Même chose pour les attaques perpétrées le 27 septembre au café Baccio du quartier Rivière-des-Prairies, le 13 octobre au café Buen Jiorno de Saint-Léonard et le jour même dans la salle de réception Le Château classique du quartier Rivière-des-Prairies. 

La dernière victime en lice est le café-bar Ferrari, situé sur l'avenue André-Ampère, dans le quartier Rivière-des-Prairies, où un engin incendiaire artisanal a été balancé vers quatre heures hier matin. Comme à chaque fois, une vitrine a été fracassée et un cocktail Molotov a été projeté dans le café, tout juste avant de s'éteindre. Et comme à chaque fois, les dommages sont mineurs et personne n'a été blessé. Les policiers ont érigé hier matin un large périmètre dans le stationnement du café. Quelques bouteilles d'alcool traînaient sur la terrasse de l'établissement, près d'un petit abri destiné aux fumeurs du café. Une garderie se trouve au-dessus du café visé par ce nouvel attentat. Plusieurs parents y conduisaient leurs enfants en matinée. «C'est pourtant toujours tranquille ici», a laissé tomber un père de famille.

Même son de cloche pour cet habitué du café. «Ça fait des années que je viens ici et c'est la première fois que j'entends parler d'un problème», a-t-il noté.

L'employé de la boucherie voisine suggère que le café a été victime d'un attentat parce qu'il est «propre». «C'est un club privé. Le jour, il n'y a que des vieux qui jouent aux cartes. C'est peut-être justement parce qu'il (le propriétaire) refuse de laisser entrer la pègre qu'il est ciblé par un attentat», a indiqué le boucher.

Environ 24 heures plus tôt, les café Vegas, dans Saint-Michel, et Nouba, du boulevard Saint-Laurent, avaient reçu la visite d'incendiaires.

Même si 12 attaques du genre ont éclaté depuis le 22 septembre dans le nord et l'est de Montréal, aucune arrestation n'a encore été effectuée.

Il n'est pas facile de dissiper l'épais brouillard autour de cette vague d'attentats. Les nombreux employés et propriétaires des cafés - ciblés ou non - interrogés au cours des dernières semaines se sont montrés peu loquaces. Tous soutiennent n'avoir fait l'objet d'aucune menace et tenir des endroits sans liens avec le crime organisé.

 

Plusieurs hypothèses

Plusieurs hypothèses, obtenues de diverses sources, pourraient expliquer cette vague. À commencer par le symptôme d'un «fractionnement» de la pègre montréalaise. Des gangs de rue et des petits revendeurs indépendants tenteraient de profiter de la désorganisation des Hells Angels et de la mafia, dont les assises sont ébranlées par plusieurs rafles policières, pour se tailler une place dans le trafic de drogue.

Une autre hypothèse évoque des tensions entre des membres de clans italiens. Les incendies pourraient d'ailleurs avoir été allumés par des membres de gangs de rue à la solde d'un clan italien. Cette diversion viserait à intimider les tenanciers de cafés italiens, dans l'espoir de profiter du jeu de chaise musicale observé ces derniers mois dans le milieu interlope, afin d'instaurer de nouveaux points de vente de stupéfiants.

Enfin, l'assassinat en janvier dernier d'un trafiquant de drogue qui contrôlait vraisemblablement plusieurs cafés italiens pourrait aussi expliquer les attentats du dernier mois. Selon le quotidien en ligne Ruefrontenac.com, ces crimes s'inscrivent peut-être dans une offensive visant à s'emparer du territoire de Sam Faluso, abattu de plusieurs balles au volant de sa voiture. Toujours selon Ruefrontenac.com, ceux qui convoitent «l'héritage» de Faluso désirent écouler de la drogue dans les cafés du secteur, mais se butent à la résistance de ceux qui opèrent toujours ces établissements.

Les attentats commis seraient ainsi des avertissements visant à intimider les tenanciers de ces endroits.

Du côté du Service de police de la ville de Montréal, toutes les hypothèses énumérées plus haut sont envisagées. Les mobiles demeurent inconnus et l'enquête est compliquée parce que les victimes collaborent peu, explique le commandant Robert Quévillon, de la direction des crimes économiques et de la propriété.

Des patrouilles «de prévention» visant à protéger les commerces susceptibles d'allonger la liste des victimes d'attentats ont été mises sur pied. «Au niveau des effectifs, j'ai sensibilisé les commandants des postes de quartier (PDQ) affectés par les attentats», assure le commandant Quévillon, citant le PDQ du quartier Saint-Michel, qui abrite une trentaine de cafés italiens. M. Quévillon invite également la population à rapporter toute activité suspecte reliée à cette affaire.

Pour l'heure, les employés des cafés italiens ne peuvent que croiser les doigts. «Honnêtement, on n'a aucune idée de qui voudrait s'en prendre à nous. On n'entend parler de rien», résume l'employée d'un café du boulevard Saint-Michel, situé à proximité de trois des huit endroits ciblés.

 

 

LES ATTENTATS

 

24 NOVEMBRE

CAFÉ-BAR FERRARI

( 8061 André-Ampère)

23 NOVEMBRE

CAFÉ VEGAS

(2670, rue Jean-Talon)

19 NOVEMBRE

CAFÉ CRYSTELE

(Angle Villeray et 17e avenue)

5 NOVEMBRE

CAFÉ AVIANO

(Angle Saint-Michel et Legendre)

29 OCTOBRE

CAFÉ BISTRO CHARLAND

(Rue Charland)

28 OCTOBRE

CAFÉ PIRANDELLO

(Rue Robert)

BARPEACHES

(Boul. Saint-Michel)

17 OCTOBRE

BAR PEACH

(8974 Boul. Langelier)

13 OCTOBRE

CAFÉ BUEN JIORNO

(5055 avenue Couture)

SALLES DE RÉCEPTION CHÂTEAU CLASSIQUE

(6010 des Rivières)

27 SEPTEMBRE

CAFÉ BACCIO

(8760 boulevard Gouin)

22 SEPTEMBRE

BISTRO SOLARIS

(5484 rue Décarie)