La vague d'incendies criminels qui visent des cafés italiens s'est poursuivie dans la nuit de mercredi à jeudi. L'attentat perpétré au café Crystele porte à cinq le nombre d'estaminets du quartier Saint-Michel pris pour cibles depuis la fin du mois d'octobre.

Selon nos sources, ces attaques porteraient la signature des gangs de rue, qui tentent de combler le vide laissé par les nombreux mafieux et motards épinglés lors des frappes successives menées par les policiers contre la pègre ces dernières années (voir l'analyse d'André Cédilot).Interrogé à plusieurs reprises sur ces incidents, le Service de police de la Ville de Montréal se montre peu loquace. «Une enquête est en cours», s'est borné à répondre un porte-parole.

Difficile, donc, de savoir avec exactitude pourquoi les cafés italiens sont dans le collimateur d'incendiaires.

Pour la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec, le problème demeure très ciblé. «On en a discuté avec des policiers. Pour eux, ce sont les gangs de rue qui essayent de se faire une place», a résumé le président, Renaud Poulin.

Nouveau modus operandi

Les quatre premiers incendies ont été allumés à l'aide d'un cocktail Molotov. Le dernier est différent. Les incendiaires ont fracassé la vitrine du café, ont versé de l'essence à l'intérieur et jeté une allumette. Les locataires qui vivaient au-dessus de l'établissement ont dû être évacués.

Hier matin, des éclats de verre formaient un monticule devant le café, où un bidon d'essence avait été abandonné. Des enquêteurs étaient sur place pour prendre des photos et recueillir des indices.

Les attentats surviennent presque systématiquement vers 4 ou 5h du matin. Les cocktails Molotov s'éteignent presque aussitôt et les dommages sont mineurs.

Les cafés visés sont tous de petits établissements qui se fondent presque dans le paysage résidentiel. Des logements sont aménagés au-dessus de chacun.

Avant le café Crystele, le café Aviano, à l'angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Legendre, a été incendié dans la nuit du 5 novembre. Une semaine auparavant, après les trois premiers attentats, La Presse avait par hasard interrogé le propriétaire du café Aviano. Il s'était dit très surpris par ces attaques et croisait les doigts pour éviter d'être à son tour pris pour cible.

Dans la nuit du 29 octobre, c'est le café Bistro Charland qui avait tiré le mauvais numéro. Une semaine plus tard, un employé rencontré sur place disait ignorer pourquoi le café avait été ciblé. «On n'a reçu aucune menace, il n'y a pas de drogue ou d'activités illégales ici, seulement des clients qui jouent aux cartes», avait-il expliqué.

Aucune menace

Les employés de plusieurs cafés italiens interrogés depuis quelques semaines ont tous affirmé n'avoir fait l'objet d'aucune menace. Certains d'entre eux suggéraient que ces incidents pourraient être des sanctions imposées à des tenanciers qui auraient refusé l'accès à la pègre. D'autres ont évoqué la forte présence des gangs de rue dans le secteur.

C'est la section des incendies criminels du SPVM qui devra faire la lumière sur ces incidents. Personne n'a encore été arrêté.

D'ailleurs, la section des incendies criminels ne chôme pas par les temps qui courent. Un engin incendiaire artisanal a été lancé vers 5h15 la nuit dernière contre un immeuble à logements du quartier Hochelaga-Maisonneuve. L'endroit est bien connu des policiers et rien n'indique que les deux incidents de la nuit soient liés. Il y a quelques jours, un commerce et une maison privée du quartier Mile End ont été attaqués. Sans compter les incendies criminels sur le Plateau Mont-Royal au cours des derniers mois.

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LES ATTENTATS

19 NOV.

CAFÉ CRYSTELE

(Angle Villeray et 17eAvenue)

5 NOV.

CAFÉ AVIANO

(Angle Saint-Michel et Legendre)

29 OCT.

CAFÉ BISTRO CHARLAND

(Rue Charland)

28 OCT.

CAFÉ PIRANDELLO

(Rue Robert)

BARPEACHES

(Boul. Saint-Michel)