Au terme d'une série de témoignages particulièrement émotifs, la poursuite et la défense ont suggéré conjointement, lundi, une peine de huit mois d'incarcération pour le policier Patrick Ouellet, coupable de conduite dangereuse ayant causé la mort du petit Nicholas Thorne-Belance pendant une opération de filature à grande vitesse à Longueuil, en 2014.

Dans la salle bondée du palais de justice de Longueuil, Stéphanie Thorne, la mère du garçon qui avait 5 ans, a d'abord lu un texte déchirant sur la perte de son fils. Le matin du 13 février 2014, elle l'avait félicité de ne pas avoir mouillé son lit, l'avait embrassé sur le front et lui avait dit qu'elle l'aimait.

Plus tard ce matin-là, elle a reçu un appel pour l'informer que son fils et son mari avaient été impliqués dans une grave collision sur le chemin de la garderie. Accourue à l'hôpital Sainte-Justine, elle dit avoir eu du mal à reconnaître son enfant, tant sa tête avait enflé.

Après plusieurs jours au chevet de son fils, elle était présente, bien qu'anéantie, lorsqu'il a rendu l'âme. « En revenant à la maison, j'ai pleuré et pleuré, parce que notre demeure était tellement vide... Sa petite voix était disparue. »

« Aucune mère ne devrait avoir à enterrer son fils à un si jeune âge. » - Stéphanie Thorne

Mme Thorne a expliqué qu'elle, son mari et sa fille souffrent de choc post-traumatique. Les économies familiales se sont envolées depuis quatre ans et demi, et tous ont du mal à gérer leur peine, leur anxiété, leurs idées sombres.

La soeur adolescente du petit Nicholas, Dalia, a parlé de sa propre dérive vers « le trou noir de la dépression et de l'anxiété » à la suite de la mort de son frère. Elle dit ne pas se souvenir de la dernière fois où elle est sortie reposée d'une nuit de sommeil.

Son corps entier s'agite souvent de tremblements, comme si elle grelotait. « Les gens me demandent tout le temps : "As-tu froid ?" Mais c'est l'émotion », a-t-elle expliqué.

LES REGRETS DU POLICIER

Plusieurs personnes ont aussi témoigné par écrit en faveur de Patrick Ouellet, dont sa conjointe, qui a évoqué les pensées dépressives et suicidaires du policier, anéanti par la mort de l'enfant. Des collègues et des supérieurs ont loué son professionnalisme et son bon jugement, ainsi que son altruisme et son désir d'aider les autres.

M. Ouellet, père de deux jeunes enfants, a pris lui-même la parole, en larmes. « Je me permets d'exprimer mes plus sincères condoléances à la famille Thorne-Belance, en espérant qu'elles soient reçues avec toute la sincérité qui m'habite en les exprimant », a-t-il lancé en risquant un regard rougi vers les proches de l'enfant.

L'agent de la Sûreté du Québec conduisait un véhicule banalisé le jour fatidique et ne répondait pas à un appel d'urgence. Il tentait de rattraper un collègue qui avait entrepris une filature dans le cadre d'une enquête anticorruption.

Il roulait à 134 km/h deux secondes avant de percuter de plein fouet la voiture dans laquelle se trouvait l'enfant sur le boulevard Gaétan-Boucher. Dans cette zone résidentielle, la limite de vitesse était de 50 km/h. Selon un expert, l'accident aurait pu être évité si l'agent Ouellet avait roulé à moins de 80 km/h.

Les procureurs du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avaient d'abord décidé de fermer le dossier sans accusations. Mais à la suite d'une enquête de La Presse, le dossier avait été réévalué, et des accusations criminelles avaient été portées.

Le juge Éric Simard a mis l'affaire en délibéré. Les parties lui ont demandé de tenir compte des circonstances difficiles dans lesquelles se déroulera l'incarcération de Patrick Ouellet. En tant qu'ancien policier, il devra vraisemblablement être placé en isolement 23 heures sur 24 pour sa protection à l'intérieur des murs.

Outre la suggestion de huit mois de prison, les parties suggèrent au juge d'imposer à M. Ouellet une interdiction de conduire d'un an.