Pour enrayer le « fléau » de l'alcool au volant, les gouvernements devraient forcer les manufacturiers à installer un antidémarreur éthylométrique dans tous les véhicules, a plaidé mercredi Me Pierre Joyal. Sa cliente, Marie-Michèle Benjamin, risque d'écoper de trois ans de pénitencier pour avoir tué Robert Albert en roulant à haute vitesse en état d'ébriété l'an dernier dans l'ouest de Montréal.

« La technologique existe pour munir les véhicules de détecteurs. Ça existe. Pourquoi les gouvernements n'obligent pas les manufacturiers ? Ça réglerait le problème. [...] Ce serait tellement simple. Dans deux semaines, la marijuana va être légale. C'est un choix de société. Je crois que la société est prête. On ne serait pas là aujourd'hui », a fait valoir Me Joyal devant la juge Karine Giguère. Les gouvernements font la « sourde oreille », a ensuite déploré l'avocat en mêlée de presse.

Marie-Michèle Benjamin a plaidé coupable cet été à deux chefs d'accusation de conduite dangereuse ayant causé la mort de Robert Albert et de conduite avec les facultés affaiblies ayant causé la mort.

Le 12 mars 2017, vers 6 h du matin, la femme de 26 ans roulait à haute vitesse sur le boulevard Jacques-Bizard en omettant ses arrêts obligatoires. Son taux d'alcoolémie était deux fois plus élevé que la limite permise à « 0,172 ». Sur le pont de l'île Bizard, elle a percuté à contresens le véhicule de Robert Albert. La jeune femme a été hospitalisée pendant un mois et sa passagère a été blessée.

Mercredi matin, les avocats ont présenté à la juge une suggestion commune de trois ans de pénitencier pour Marie-Michèle Benjamin. Il s'agit d'une peine « juste, sévère et raisonnable » pour un « fléau que la société cherche à réprimer », a plaidé la procureure de la Couronne Me Anik Archambault. La juge Giguère va rendre sa décision le 14 novembre prochain et devrait « très peu » s'écarter de la suggestion. En s'adressant à la famille des victimes, la juge a évoqué un « drame, un gâchis innommable ».

Les filles et le neveu de Robert Albert ont lu quatre poignantes lettres à la juge ce matin en se tournant parfois en direction de l'accusée, assisse au premier rang de la salle d'audience bondée du palais de justice de Montréal.

La cadette, Mylène Albert, a vu son « monde entier » s'écrouler le jour de la mort de son père, alors qu'elle devait se marier quelques mois plus tard. « Mon père est irremplaçable. Personne dans ce monde ne sera aussi exceptionnel que l'homme que tu étais. [...] Il était mon point d'ancrage. Quand je m'égarais, il savait me ramener sur le droit chemin avec ses sages paroles », a confié la jeune femme, émue.

La vie de sa soeur aînée a également été bouleversée par la mort soudaine de son père. « Le 12 mars 2017, mon père a perdu la vie dans un accident de la route. Ce matin-là, la mienne a changé à tout jamais. Plongée dans un tourbillon de peur et d'incertitude, je suis devenue orpheline et une partie de moi-même est morte en même temps que lui, parce que je venais de perdre mon phare, mon modèle et ma sécurité », a livré Lizanne Albert.

Marie-Michèle Benjamin a également pris la parole pour exprimer des remords et présenter ses excuses à la famille de Robert Albert. « J'ai commis des gestes dont les répercussions sont irréparables. Le 12 mars 2017, j'ai pris la décision de prendre le volant alors que j'étais ivre et j'ai tué un père, un frère, un ami, un collègue. Mon manque de jugement, purement égoïste, a coûté la vie de Robert Albert », a dit l'accusée, la voix brisée.

Son histoire, espère-t-elle, doit sensibiliser le public au danger de l'alcool au volant. « J'aimerais que les gens comprennent mieux l'ampleur que peut prendre une seule décision irréfléchie. Je souhaite que sa mort puisse en sauver d'autres », a-t-elle déclaré.