Des membres de l'état-major de la Sûreté du Québec (SQ) ont déjà averti le premier ministre du Québec de l'existence d'enquêtes en cours « relatives aux moeurs » de « certains ministres », affirmait en 2009 l'ex-directeur du Service des renseignements de sécurité de la SQ, Alfred Tremblay, dans un document présenté hier à son procès pour fraude, vol et abus de confiance.

« À cette époque, la transmission de ces informations était justifiée par ce que les dirigeants de la SQ qualifiaient d'intérêt supérieur du gouvernement du Québec et de la Sûreté du Québec », écrit Alfred Tremblay dans un courriel envoyé au directeur des affaires internes de la SQ, Jocelyn Latulippe, le 2 décembre 2009. L'accusé ne nomme toutefois ni le premier ministre en question ni les ministres qui auraient été visés par ces enquêtes.

L'inspecteur-chef Tremblay s'opposait alors à la décision des affaires internes de lui interdire d'envoyer une seconde lettre au premier ministre Jean Charest. Dans une première lettre, Alfred Tremblay avait demandé au premier ministre de lancer une enquête indépendante sur le harcèlement psychologique dont il se disait victime par la haute direction de la SQ. Il avait aussi mentionné une mystérieuse enquête visant Michel Crête, le premier chef de cabinet de Jean Charest.

Dans sa seconde lettre, Alfred Tremblay évoquait des enquêtes de la SQ impliquant des politiciens « bien en vue » reliés à des réseaux de prostitution et à des groupes de motards criminels. 

M. Tremblay indiquait au premier ministre avoir connaissance de « certains dossiers très épineux reliés à la sécurité d'État » et disait avoir conservé des « renseignements très délicats ».

SUITE DU CONTRE-INTERROGATOIRE

Hier, le procureur de la Couronne, Me Antoine Piché, a talonné Alfred Tremblay sur sa connaissance en 2009 des enquêtes en cours visant des élus, notamment le projet Diligence. L'accusé a martelé qu'il n'en savait rien, puisqu'il n'était plus à la tête du Service des renseignements de sécurité depuis plusieurs années. Il a dirigé cette unité chargée d'enquêter sur les nominations du gouvernement de 1996 à 2001.

Au cinquième jour de son témoignage, l'accusé a révélé hier qu'un seul policier lui avait parlé de telles enquêtes vers « 2003-2004 ». En marge d'une formation, le policier Mario Laprise - nommé directeur de la SQ en 2012 - lui a alors confié travailler sur un « dossier opérationnel relativement à une enquête sur un réseau de prostitution » qui concernait des « personnalités politiques », a témoigné Alfred Tremblay, qui ignore toutefois de quelle enquête il était question.

Depuis le début du contre-interrogatoire en mai dernier, la Couronne tente de démontrer qu'Alfred Tremblay voulait faire comprendre au gouvernement Charest qu'il détenait des « informations compromettantes » dans le but d'obtenir une entente avec la direction de la SQ au sujet de ses plaintes en harcèlement. 

Alfred Tremblay a témoigné, le printemps dernier, n'avoir eu « aucune arrière-pensée par rapport à un dédommagement financier » en s'adressant au premier ministre et au ministre de la Sécurité publique Jacques Dupuis.

Alfred Tremblay est accusé d'avoir reçu illégalement une indemnité de 79 877 $ en mars 2010. Selon la poursuite, le directeur général de la SQ Richard Deschesnes a utilisé le fonds de dépenses secrètes du corps policier pour éviter toute reddition de comptes. Les accusés maintiennent pour leur part avoir agi selon les règles de l'époque.

Le procès pour fraude, vol et abus de confiance de Richard Deschesnes, de Steven Chabot et d'Alfred Tremblay s'est amorcé il y a un an et demi. Le contre-interrogatoire de M. Tremblay se poursuit ce matin.