Les avocats du Sénat tentent de convaincre la Cour supérieure de l'Ontario, mercredi, que le sénateur Mike Duffy ne peut poursuivre la chambre haute pour la suspension sans solde dont il a fait l'objet il y a cinq ans.

Mike Duffy réclame plus de 7,8 millions en dommages et intérêts au Sénat et à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans la foulée de l'enquête hautement médiatisée - et de sa suspension pendant près de deux ans - relativement à ses réclamations de dépenses. En avril 2016, au terme d'un procès, il avait finalement été acquitté des 31 chefs d'accusation qui pesaient contre lui.

Dans sa poursuite contre le Sénat, M. Duffy accuse ses collègues d'avoir violé la Constitution et ses droits garantis par la Charte lorsqu'ils ont décidé de le suspendre sans solde en 2013. Pour sa part, le Sénat soutient que le tribunal n'a pas la compétence pour se prononcer sur une décision prise par les sénateurs. La chambre haute invoquera le « privilège parlementaire » - une très vieille mesure du système parlementaire britannique qui vise à protéger les élus dans l'exercice de leurs fonctions.

Une poursuite contre le Sénat « constituerait une intrusion inadmissible dans l'indépendance de la branche législative du gouvernement, et violerait le principe constitutionnel fondamental de la séparation des pouvoirs », peut-on lire dans la motion déposée plus tôt cette année à la Cour supérieure de l'Ontario.

Un procureur du Sénat a plaidé mardi matin en Cour que bien que le principe du privilège parlementaire puisse sembler obscur, il ne peut être tenu pour acquis lorsque l'on considère « les événements récents dans le monde entier ». Maxime Faille a soutenu que le tribunal devait annuler la réclamation de M. Duffy pour éviter de brouiller les lignes qui séparent les trois pouvoirs de l'État - le législatif, l'exécutif et le judiciaire.

« Si cette poursuite allait de l'avant (...) on ouvrirait la porte à la possibilité pour les tribunaux de revoir les décisions des parlementaires », a plaidé Me Faille.

La portée du privilège parlementaire

Mike Duffy avait été nommé par l'ancien premier ministre conservateur Stephen Harper, mais il siège désormais comme indépendant.

L'ancien courriériste parlementaire à Ottawa avait déposé sa requête en août dernier, qualifiant d'« abus de pouvoir sans précédent » la décision des sénateurs de le suspendre avant même que des accusations criminelles ne soient déposées contre lui.

Mike Duffy avait été suspendu en novembre 2013 ; la GRC l'avait accusé en juillet 2014 de 31 chefs d'accusation de fraude, d'abus de confiance et de corruption. On lui reprochait d'avoir présenté des factures pour des frais inadmissibles dans le cadre de ses fonctions, notamment des frais de logement alors qu'il résidait déjà dans la région d'Ottawa.

M. Duffy avait finalement été acquitté sur toute la ligne en avril 2016, à l'issue d'un long procès. Quelques heures après le verdict, le Sénat l'avait réintégré dans ses rangs.

Les sénateurs qui avaient appuyé la suspension de Mike Duffy tenaient à l'argument selon lequel le Sénat pouvait gérer ses affaires internes sans l'ingérence des tribunaux.

L'avocat de Mike Duffy plaidera le contraire : Lawrence Greenspon a déjà soutenu que le privilège parlementaire s'appliquait dans le cas de décisions ou de débats législatifs, mais pas sur les sanctions infligées à un sénateur.

L'audience en Cour supérieure de l'Ontario, à Ottawa, devrait durer deux jours.