Une majorité de témoins de la poursuite au procès pour complot et fraude de Tony Accurso sont des « criminels » avec des « antécédents de malhonnêteté », a martelé l'avocat de l'ex-entrepreneur ce matin pendant ses plaidoiries, dernière étape du procès au palais de justice de Laval.

« Qu'est-ce qu'il y a de pire qu'un témoin pas fiable ? Huit témoins pas fiables ! », a lancé au jury Me Marc Labelle. Lors de ses plaidoiries, dernière occasion de s'adresser au jury, l'avocat de la défense met de l'avant les contradictions des témoins de la Couronne, ainsi que l'absence de fiabilité de leurs témoignages. « C'est pas parce qu'un mensonge est répété une fois, deux fois, huit fois que ça devient une vérité ! », a-t-il plaidé.

Tony Accurso est « présumé innocent » en vertu de la Loi a insisté d'emblée Me Labelle. « Vous êtes les derniers remparts entre un citoyen et l'État. Les derniers. Il n'y en a pas d'autres. Ce n'est pas le tribunal d'opinion publique ici. Vous êtes les derniers remparts », a martelé l'avocat de la défense.

Les témoignages-clés des témoins «criminels» de la Couronne ont été passés dans le tordeur ce matin dans les plaidoiries de Me Labelle. La rencontre au sommet dans les bureaux de Tony Accurso entre présidents d'entreprises pour convaincre Mario Desrochers de Sintra de ne pas quitter le système de collusion n'a «ni queue ni tête», a conclu Me Labelle. Mercredi, Tony Accurso a nié avoir participé à une telle rencontre dans ses bureaux de Constructions Louisbourg.

De plus, Mario Desrochers n'a jamais raconté cette histoire au premier procès de Tony Accurso et de surcroît, ne l'a dévoilé aux policiers que le 4 mai 2018, s'est étonné Me Labelle. « Qui protège-t-il, Mario Desrochers ? Qui cherche-t-il à couvrir ? Est-ce que ça peut être [sa conjointe] la contrôleure [de Sintra] Julie Bazinet qui a eu 23 000 $ de Nicolas Théberge pour acheter son silence ?», a avancé l'avocat.

Autre témoignage-clé de la Couronne : Marc Gendron, le collecteur de la ristourne de 2% sur les valeurs des contrats truqués pour le maire de Laval Gilles Vaillancourt, a raconté que Tony Accurso lui a remis 200 000$ en argent comptant dans le stationnement de ses restaurants en 2002 pour payer sa part. Une transaction niée fermement par l'accusé.

«Est-ce que c'est vraisemblable? Est-ce que c'est plausible? », s'est questionné Me Labelle en fixant le jury. Selon lui, même si cette histoire était vraie, la preuve ne démontre pas que de l'argent se trouvait dans les enveloppes, puisque le témoin ne les a jamais ouvertes. « Savez-vous si M. Accurso savait ce qu'il remettait ?», a ajouté Me Labelle.

Le témoin Rosaire Sauriol, de la firme Dessau, a raconté pendant le procès qu'à la demande du maire Vaillancourt en 2008, il a servi d'intermédiaire pour remettre 300 000 $ en argent comptant à Claude Deguise, le directeur du génie à la Ville de Laval. C'est le bras droit de Tony Accurso et président de Simard-Beaudry, Frank Minicucci qui lui remettait l'argent comptant.

La preuve de la Couronne ne montre aucunement que Tony Accurso était au courant de ce versement, si évidemment, l'histoire est véridique, a plaidé Me Labelle. « Pas de preuve que M. Accurso le savait. Pas de preuve que M. Accurso a consenti à ça. Pas de preuve que les 300 000 $ viennent  des compagnies d'Accurso», a martelé Me Labelle.

Oui, maintient Me Labelle, Tony Accurso a offert les services de la designer Danielle Vigneault pour «moins de 1000$» à son vieil ami Claude Asselin, directeur général de la Ville de Laval. « C'est un ami qui paye la décoratrice à son vieux chum qui déménage. Il n'a aucune preuve qui a rapport avec l'obtention d'un contrat dans le passé et pour des contrats à venir. La somme du montant est insignifiante. Il passe ça dans ses compagnies », a soutenu l'avocat de l'accusé.

Mercredi, Tony Accurso a répété au jury qu'il aurait immédiatement mis fin à la participation de ses entreprises au système de partage des contrats publics à la Ville de Laval s'il avait été au courant de son existence. Il n'aurait jamais mis en péril son empire de la construction pour à peine 3 % de son chiffre d'affaires, a-t-il avancé.

Ce sera au tour de Me Richard Rougeau, procureur de la poursuite, de plaider vendredi matin. Le jury devrait amorcer ses délibérations mardi.

CINQ CHEFS D'ACCUSATION

Tony Accurso, de son vrai nom Antonio Accurso, fait face à cinq chefs d'accusation de complot, de fraude de plus de 5000 $, d'abus de confiance par un fonctionnaire public et d'actes de corruption dans les affaires municipales.

L'homme de 66 ans aurait comploté avec une soixantaine de personnes, dont l'ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt pour commettre des actes de corruption dans les affaires municipales et pour commettre des fraudes. Ses crimes se seraient produits entre le 1er janvier 1996 et le 30 septembre 2010 à Laval.

La thèse de la Couronne est que la corruption et la collusion étaient « endémiques » à Laval sous le règne du maire Gilles Vaillancourt, et que Tony Accurso y a participé activement, au détriment des contribuables.