Tony Accurso avait un rêve : transformer l'entreprise de son père en multinationale québécoise de la construction. C'est pourquoi il a confié les rênes de ses sociétés à ses bras droits pour se concentrer sur la croissance de son empire au milliard de chiffre d'affaires. Jamais, jure-t-il, il n'a participé à un système de collusion des contrats publics à la Ville de Laval.

Vêtu d'un veston bleu, le « bâtisseur » de 66 ans a joué son va-tout lundi pour tenter de convaincre le jury de son innocence à son second procès pour fraude, complot, abus de confiance et corruption dans les affaires municipales au palais de justice de Laval. De l'immigration de son père à son éducation militaire, en passant par ses acquisitions d'entreprises et sa mauvaise relation avec l'ex-maire Gilles Vaillancourt, l'accusé s'est livré sans filtre au jury, multipliant les plaisanteries pour tenter de leur arracher un sourire.

L'ultime témoin du procès a passé au tordeur un à un les témoignages-clés de la Couronne qui l'impliquent directement dans le système de contrats publics truqués à Laval. Tony Accurso a ainsi assuré n'avoir jamais organisé dans ses bureaux de Construction Louisbourg une rencontre au sommet sur la collusion entre présidents d'entreprises de la construction en 2002, comme l'a raconté le témoin Mario Desrochers.

Jamais non plus l'homme d'affaires n'a remis 200 000 $ en argent comptant dans un stationnement à l'ingénieur Marc Gendron, un collecteur de pots-de-vin du maire Vaillancourt pour payer une ristourne de 2 % sur la valeur des contrats truqués obtenus par ses entreprises. Et jamais n'a-t-il discuté avec le maire Vaillancourt d'un contrat truqué de 4 millions de dollars promis à son entreprise et à un concurrent, comme le lui avaient demandé dans son bureau son bras droit Joe Molluso et son compétiteur Gilles Théberge.

D'ailleurs, Tony Accurso n'était pas du tout dans les bonnes grâces du maire Gilles Vaillancourt, a-t-il maintenu. « Gilles Vaillancourt, c'était pas mon chum », a-t-il résumé. Même s'ils se sont rencontrés à plusieurs reprises, le puissant maire ne l'a aidé qu'à une reprise et lui a refusé une panoplie de contrats. « M. Vaillancourt ne disait jamais non. Il disait oui et il ne faisait rien », a-t-il expliqué, se moquant de la vantardise du « sénateur » autoproclamé de Laval.

Même si Claude Asselin, directeur général de la Ville de Laval, était son ami proche, Tony Accurso assure n'avoir obtenu aucun privilège de sa part. « [Claude] ne décidait d'absolument rien. C'est M. le Maire qui décidait de tout », assure-t-il.

La possible existence d'un système de collusion à Laval n'est parvenue aux oreilles de Tony Accurso qu'à deux reprises. La seconde fois, en 2002, son ami Claude Asselin lui a demandé si ses entreprises participaient au système. « C'est quoi, l'affaire ? Y as-tu un système ? Non, on n'est pas au courant et on ne participe pas dans un système de ristournes à Laval », lui rétorque-t-il.

Questionnés par leur grand patron, Joe Molluso, président de Construction Louisbourg, et Frank Minicucci, président de Simard-Beaudry, nient toute implication. Ses deux bras droits avaient pratiquement carte blanche dans leur gestion, a souligné le témoin. Son cousin Joe Molluso, un véritable « génie mathématique », faisait d'ailleurs « tout de A à Z » chez Construction Louisbourg et « travaillait seul » sur les soumissions des contrats.

« Moi, j'embauchais des présidents, je n'embauchais pas des yes-men qui disaient comme moi. Je voulais des leaders, du monde à qui j'étais pas obligé dire quoi faire. Ça libérait mon temps pour bâtir une multinationale québécoise bien financée, bien structurée », explique l'accusé. Ce qui « l'excitait », c'était l'acquisition, la fusion et l'intégration verticale d'entreprises, et non les soumissions, résume-t-il.

Pour obtenir du financement et du cautionnement sur ses grands projets, Tony Accurso avait d'ailleurs couru le risque personnel de mettre en garantie toutes ses entreprises et tous ses biens. « Les enjeux étaient énormes. Si tu es pogné dans une activité clairement illégale [...], c'est ben simple, tu perds tout. Tu ne peux plus continuer », maintient-il.

Ce n'est qu'après leur arrestation en mai 2013 que Joe Molluso a admis à son cousin « avoir fait de la collusion et donné son 2 % ». Les deux hommes ont ensuite « convenu » de ne pas en parler avec leurs proches. Ainsi, son fils Jimmy Accurso n'a pas hésité à embaucher son « oncle » Joe comme « conseiller » pour ses entreprises après son arrestation.

Le contre-interrogatoire de Tony Accurso, amorcé en fin de journée, se poursuit ce mardi matin.