Le collecteur de pots-de-vin de Gilles Vaillancourt a empoché plus de 100 000 $ à sa retraite grâce à la ristourne de 2 % versée au maire de Laval par les entrepreneurs pour l'obtention de contrats publics truqués. Le maire a même insisté pour que son collecteur conserve 10 % de la ristourne, a révélé vendredi Roger Desbois au procès pour fraude, complot et corruption dans les affaires municipales de Tony Accurso.

« Qu'est-ce que tu veux ? », lui lance Gilles Vaillancourt en 2008. « J'ai pensé à 2 % du total que je récupérais pour lui. Mais je lui ai dit 5 %. Il me regarde et dit : "7,5 %". Je ne parle toujours pas. Il me dit : "Prends 10 %". C'était 10 % des montants que je collectais des entrepreneurs », a raconté au jury l'ingénieur de 80 ans, assis à la barre des témoins.

De 2003 à 2009, une vingtaine d'entreprises de construction qui prenaient part au système de collusion des contrats publics à la Ville de Laval ont versé jusqu'à 2,8 millions de dollars en argent comptant à l'ingénieur de la firme de génie-conseil Tecsult. Roger Desbois remettait ensuite cette « ristourne » de 2 % sur la valeur des contrats à un représentant du maire Vaillancourt à coup d'au moins 200 000 $.

Selon le témoin, les deux entreprises de Tony Accurso, Constructions Louisbourg et Simard-Beaudry, ont payé « jusqu'à 25 % » du magot amassé dans cette période, soit plusieurs centaines de milliers de dollars. Le bras droit de l'accusé, Joe Molluso, était l'interlocuteur principal de Roger Desbois pour la remise de la ristourne. Tony Accurso lui-même n'a jamais versé l'argent en personne, précise le témoin en contre-interrogatoire.

Roger Desbois n'a pas tiré profit personnellement de son poste de collecteur de fonds jusqu'en 2008, alors qu'il commence à « distribuer » les contrats « collusionnés » aux entrepreneurs. C'est à ce moment que le maire Vaillancourt, qu'il rencontre plus régulièrement, lui propose de conserver 10 % de la ristourne, sans toutefois préciser si le montant était rétroactif.

À sa retraite en 2010, Roger Desbois garde les 106 200 $ restants dans le coffre-fort de son entreprise, l'équivalent d'environ 10 % du « dernier million » de ristourne. Quelques années plus tard, les policiers rencontrent l'ingénieur dans le cadre de l'enquête Honorer. Il leur dévoile d'emblée détenir toujours 74 000 $ du 106 200 $. Il remet ensuite aux policiers 300 000 $ de pot-de-vin en argent comptant, obtenus des entrepreneurs dans le cadre d'un autre crime.

En vertu de son entente de collaboration avec les policiers, Roger Desbois a remis l'entièreté des fonds obtenus illégalement, a appris le jury. « En plus des sommes déjà remises dans le cadre des activités de collusion et de corruption à la Ville de Laval, soit 380 900 $, il est exigé du témoin Roger Desbois qu'il restitue, d'ici le 11 mars 2015, le reliquat des montants perçus de manière illicite, soit 25 200 $ », indique-t-on dans le document.

CINQ CHEFS D'ACCUSATION

Tony Accurso, de son vrai nom Antonio Accurso, fait face à cinq chefs d'accusation de complot, de fraude de plus de 5000 $, d'abus de confiance par un fonctionnaire public et d'actes de corruption dans les affaires municipales.

L'homme de 66 ans aurait comploté avec une soixantaine de personnes, dont Gilles Vaillancourt et Claude Deguise pour commettre des actes de corruption dans les affaires municipales et pour commettre des fraudes. Ses crimes se seraient produits entre le 1er janvier 1996 et le 30 septembre 2010 à Laval.

La thèse de la Couronne est que la corruption et la collusion étaient « endémiques » à Laval sous le règne du maire Gilles Vaillancourt, et que Tony Accurso y a participé activement, au détriment des contribuables.