L'ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt a demandé en 2008 à un dirigeant de la firme de génie Dessau de remettre 300 000 $ en « prime de séparation » à Claude Deguise, le directeur du génie à Laval, a raconté mardi matin Rosaire Sauriol au procès pour fraude, complot et corruption dans les affaires municipales de Tony Accurso.

Le témoin, responsable du développement des affaires chez Dessau à l'époque, a décrit l'ex-maire de Laval comme le « maître du système » de collusion à Laval. Ainsi, lorsque le maire l'a convoqué dans son bureau à l'hiver 2008 pour lui demander de verser 300 000 $ en argent comptant à M. Deguise, Rosaire Sauriol s'est senti obligé d'accepter. « J'étais surpris, et pas très à l'aise non plus. Je n'ai jamais su pourquoi on m'a demandé de faire ça », soutient-il.

Le témoin et son frère Jean-Pierre Sauriol, président de Dessau, ne pouvaient « dire non » au puissant maire au risque de perdre « leur chiffre d'affaires ». « Compte tenu que le maire Vaillancourt était la personne qui octroyait les contrats, qui était le maître à décider par rapport aux projets à Laval, on a accepté de le faire », a expliqué le témoin.

C'est Frank Minicucci, décrit par le témoin comme « l'opérateur » des compagnies de Tony Accurso, Constructions Louisbourg et Simard-Beaudry, qui lui remettait l'argent comptant dans des enveloppes.

Ainsi, de février 2008 à l'été 2008, Rosaire Sauriol a remis à plusieurs reprises à Claude Deguise des enveloppes contenant de l'argent comptant. Mais comme il avait « confiance » en M. Minicucci, il n'a jamais regardé le contenu des enveloppes. À la première remise, Claude Deguise n'était pas surpris de recevoir 5 000 $ du témoin. « Il savait qu'il y avait eu une entente », explique Rosaire Sauriol.

Le directeur du service d'ingénierie à la Ville de Laval, Claude Deguise, était au coeur du système de partage de contrats publics truqués à la Ville de Laval il y a une quinzaine d'années, selon plusieurs témoins de la poursuite. Les entrepreneurs en construction faisaient la « queue leu leu » devant son bureau pour obtenir la liste des entrepreneurs potentiels pour chaque projet truqué par l'administration Vaillancourt, a raconté la semaine dernière le témoin Mario Desrochers.

Le jury a appris que Rosaire Sauriol avait plaidé coupable à une accusation d'abus de confiance « dans le procès d'aujourd'hui ». Il a reçu une amende de 200 000 $ et une probation de deux ans. En contre-interrogatoire, le témoin a maintenu que sa peine n'était pas liée à une entente avec la police ou le DPCP pour témoigner.

« Quand j'ai reçu le téléphone pour la convocation pour rencontrer les avocats, il venait d'y avoir une arrestation à Montréal. Je pensais que c'était pour Montréal », a-t-il expliqué, sans donner plus de détails sur cette arrestation survenue dans la métropole. Le témoin a aussi évoqué brièvement son passage à la commission Charbonneau.

Cinquième témoin de la Couronne, Rosaire Sauriol a quitté la barre des témoins mardi matin. Le procès reprendra jeudi matin au palais de justice de Laval. Malgré cette pause d'une journée et demie, le jury devrait être en mesure d'amorcer ses délibérations le 20 juin prochain, a indiqué aux jurés le juge James Brunton.

Cinq chefs d'accusation

Tony Accurso, de son vrai nom Antonio Accurso, fait face à cinq chefs d'accusation de complot, de fraude de plus de 5000 $, d'abus de confiance par un fonctionnaire public et d'actes de corruption dans les affaires municipales.

L'homme de 66 ans aurait comploté avec une soixantaine de personnes, dont Gilles Vaillancourt, Claude Deguise, Frank Minicucci et Rosaire Sauriol pour commettre des actes de corruption dans les affaires municipales et pour commettre des fraudes. Ses crimes se seraient produits entre le 1er janvier 1996 et le 30 septembre 2010 à Laval.

La thèse de la Couronne est que la corruption et la collusion étaient « endémiques » à Laval sous le règne du maire Gilles Vaillancourt, et que Tony Accurso y a participé activement, au détriment des contribuables.

« Nous établirons que cet immense système frauduleux bien rodé auquel a participé directement et indirectement l'accusé Accurso au profit de ses entreprises était dirigé et contrôlé par l'administration municipale de Laval », a affirmé au début du procès le procureur de la Couronne, Me Richard Rougeau, dans son exposé introductif.