Tony Accurso a remis 200 000 $ en main propre à Marc Gendron en 2002 pour payer son dû au maire Vaillancourt pour le système de collusion des contrats publics à Laval, a affirmé lundi l'ingénieur Marc Gendron au procès pour fraude, complot et corruption dans les affaires municipales de M.  Accurso.

Assis à la barre des témoins, l'octogénaire a amorcé son témoignage lundi matin, d'une voix faible et rauque. « [M.Accurso] m'a dit : "Suis-moi". On a marché vers une voiture, il a ouvert la valise et m'a dit : "Prends ça". J'ai ramassé deux enveloppes. Il y avait de l'argent », a expliqué au jury l'homme de 86 ans.

Les deux hommes s'étaient donné rendez-vous le jour même dans un bar de Laval. Dès le soir, Marc Gendron a remis le 200 000 $ à l'organisateur politique du maire Vaillancourt, le notaire Jean Gauthier. Il ne voulait pas garder l'argent dans son bureau, comme il prenait l'avion le lendemain matin.

Selon le témoin, l'entreprise de Tony Accurso, Constructions Louisbourg, était en retard de paiement de la ristourne de 2 % destinée à l'administration Vaillancourt. L'entreprise avait notamment obtenu un contrat truqué de 3,6 millions de dollars à l'été 2001. Marc Gendron avait mentionné ce retard au maire Vaillancourt, un ami personnel.

Le témoin ne côtoyait pas régulièrement Tony Accurso à l'époque, à l'exception de quelques rencontres au restaurant. Toutefois, dans le passé, il avait participé à l'enterrement de vie de garçon, puis au mariage de l'entrepreneur en construction. Il était également présent au mariage d'un enfant de l'accusé.

1,5 million de dollars en ristourne

Avant même l'ascension de Gilles Vaillancourt à la mairie de Laval, les deux hommes naviguaient ensemble sur la rivière des Mille-Îles, a raconté Marc Gendron. En 1996, le maire a demandé à son ami d'être « caissier » pour son parti politique, le PRO des Lavallois.

Ainsi, tout en continuant de travailler pour la firme de génie-conseil Tecsult, Marc Gendron est devenu le collecteur de fonds du maire Vaillancourt. De 1996 à 2003, les entrepreneurs ont défilé dans son bureau pour lui remettre en argent comptant la ristourne de 2 % destinée à l'administration Vaillancourt pour le système de partage de contrats truqués.

« J'avais un petit ordinateur avec toute la liste des entrepreneurs et tous les contrats qu'ils avaient eus. À mesure qu'ils venaient nous porter de l'argent, je l'inscrivais », explique-t-il. Pendant sept ans, l'ingénieur a récolté 1,5 million de dollars en ristourne des entrepreneurs qui participaient au système de collusion des contrats publics à la Ville de Laval. 

Chaque année, pendant le temps des Fêtes, il rencontrait « Monsieur le maire » en Floride pour faire le bilan de l'année. « On déjeunait ensemble, je lui montrais tous les contrats, et je lui disais ce qui était rentré et ce qui n'était pas rentré », raconte-t-il. L'ingénieur ne faisait cet exercice qu'avec Gilles Vaillancourt.

Des enveloppes à coup de 100 000 $

L'argent comptant s'accumulait parfois si rapidement dans ses coffres de sûreté à la banque que Marc Gendron devait aller remettre l'argent directement à Guy Vaillancourt - le frère du maire - dans les bureaux du magasin familial ou, plus rarement, au notaire Jean Gauthier, représentant du maire. Autrement, il remettait une enveloppe à l'un des deux hommes à coup de 100 000 $.

« C'était plutôt vers les élections que ça se passait. Même s'il n'y avait pas d'élection, l'argent se dépensait quand même », soutient Marc Gendron.

Son témoignage se poursuit lundi au palais de justice de Laval.

Tony Accurso, de son vrai nom Antonio Accurso, fait face à cinq chefs d'accusation de complot, de fraude de plus de 5000 $, d'abus de confiance par un fonctionnaire public et d'actes de corruption dans les affaires municipales.

L'homme de 66 ans aurait comploté avec une soixantaine de personnes, dont l'ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt, pour commettre des actes de corruption dans les affaires municipales et pour commettre des fraudes. Ses crimes se seraient produits entre le 1er janvier 1996 et le 30 septembre 2010 à Laval.

La thèse de la Couronne est que la corruption et la collusion étaient « endémiques » à Laval sous le règne du maire Gilles Vaillancourt, et que Tony Accurso y a participé activement, au détriment des contribuables.

« Nous établirons que cet immense système frauduleux bien rodé auquel a participé directement et indirectement l'accusé Accurso au profit de ses entreprises était dirigé et contrôlé par l'administration municipale de Laval », a affirmé la semaine dernière le procureur de la Couronne, Me Richard Rougeau, dans son exposé introductif.