Andrew Scoppa, l'un des chefs de clan les plus influents de la mafia montréalaise, est sorti de la salle d'audience en homme libre vendredi matin à la suite d'un arrêt du processus judiciaire demandé par la poursuite. L'homme de 54 ans et son coaccusé Fazio Malatesta sont passés du box des accusés au corridor du palais de justice en seulement deux minutes.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) s'est fait avare de commentaires pour expliquer cette spectaculaire volte-face de la couronne. « Cette décision de déposer une [requête en arrêt des procédures] nolle prosequi est faite dans un souci de saine administration de la justice, en considérant les droits constitutionnels de l'accusé », s'est limité à dire Me Jean Pascal Boucher, porte-parole du DPCP.

Scoppa, 54 ans, était accusé de complot, possession de cocaïne dans un but de trafic, trafic de cocaïne et recel d'argent. Un troisième accusé, Nicola Valiente, qui n'était pas présent, a également été libéré de toutes les accusations par la juge Sophie Bourque de la Cour supérieure.

La libération d'Andrew Scoppa constitue un nouveau chapitre du livre toujours plus volumineux des arrêts du processus judiciaire qui ont mené à la libération de membres importants du crime organisé depuis l'an dernier. Déjà, des sources policières s'attendent à ce que la libération de Scoppa provoque un regain de tension au sein de la mafia, où règne une certaine accalmie depuis des mois.

Son véhicule sur écoute

Andrew Scoppa était détenu depuis février 2017. Lui et ses présumés complices ont été arrêtés à l'issue d'une enquête de l'Escouade régionale mixte (ERM) baptisée Estacade et visant des réseaux de distribution et de trafic de cocaïne qui seraient dirigés par Scoppa et d'autres individus.

Andrew Scoppa a été plus particulièrement accusé relativement à une saisie de plus de 111 kg de cocaïne effectuée à l'été 2016 dans un logement et dans une voiture garée dans le stationnement de la Tour des Canadiens, au centre-ville de Montréal, où Scoppa et Malatesta auraient occupé chacun un condo.

Durant l'enquête, les policiers ont utilisé les moyens d'enquête usuels, installant notamment des micros dans les véhicules loués et utilisés par Scoppa et celui que la police considérait comme son chauffeur, Nicola Valiente.

Andrew Scoppa a toujours nié être lié de près ou de loin à cette saisie de cocaïne. Lui, Malatesta et Valiente sont respectivement défendus par Me Julio Perris, Me Maxime Chevalier et Me Isabella Teolis.

La relève

Lors d'une conférence de presse tenue le 19 novembre 2015, jour de l'opération Magot-Mastiff durant laquelle la police a décapité le crime organisé montréalais, les responsables avaient annoncé avoir déjà identifié les chefs de clan qui s'apprêtaient à prendre la relève. Ce serait dans ce contexte que l'enquête Estacade a débuté en 2016.

Andrew Scoppa, un chef de clan qui a toujours été historiquement assez indépendant, a peu d'antécédents criminels. En 2004, il a été condamné à six ans de pénitencier pour une affaire d'importation de cocaïne par les États-Unis. Au fil des années, Andrew Scoppa serait devenu l'un des chefs de clan les plus influents à Montréal, selon la police.

Il a aussi de très bonnes relations avec des motards. Il est le frère de Salvatore Scoppa, autre acteur important de la mafia montréalaise victime d'une tentative de meurtre à Terrebonne en février 2017 et considéré comme suspect dans une affaire de double meurtre commis en 2013.

En 2014, Nicola Valiente a été victime d'une tentative de meurtre. Andrew Scoppa s'est affiché comme un émissaire de la paix au sein de la mafia ces dernières années, mais la police craint de nouveaux conflits avec d'autres chefs de clan.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

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D'AUTRES MEMBRES INFLUENTS DU CRIME ORGANISÉ LIBÉRÉS


STEFANO SOLLECITO: La police le considère toujours comme l'un des chefs du clan sicilien de la mafia montréalaise. Il était accusé de gangstérisme, mais a été acquitté en février dernier après qu'un juge eut conclu que l'écoute électronique effectuée dans une pièce du bureau de l'ancien criminaliste Loris Cavaliere était illégale.

LEONARDO RIZZUTO: Fils cadet du défunt parrain de la mafia montréalaise Vito Rizzuto et l'un des chefs du clan sicilien. Il était accusé de gangstérisme, mais a été acquitté en février dernier pour les mêmes raisons que Stefano Sollecito. Il est toutefois toujours accusé de possession de cocaïne et de possession d'arme.

SALVATORE CAZZETTA: Accusé de recel dans la foulée de l'opération Magot Mastiff, l'influent Hells Angel a bénéficié d'un arrêt du processus judiciaire en décembre 2017, vraisemblablement parce qu'un délateur l'avait disculpé.

MARCO PIZZI: Considéré par la police comme un importateur de cocaïne. Il a été arrêté en 2016, dans le cadre de l'enquête Clemenza de la GRC, mais a bénéficié d'un arrêt du processus judiciaire en mars 2017 - en même temps que 36 coaccusés - parce que la poursuite n'avait pas voulu révéler les techniques d'identification des appareils de communication des suspects interceptés par la police.

LIBORIO CUNTRERA: Fils d'Agostino Cuntrera, le « Seigneur de Saint-Léonard » assassiné en juin 2010. Il a lui aussi été arrêté dans le cadre de l'enquête Clemenza et a été libéré en même temps et pour les mêmes raisons que Pizzi.

DAVIDE BARBERIO: Ancien membre du clan De Vito maintenant proche de Stefano Sollecito selon la police. Il serait l'un des nouveaux hommes forts du quartier Rivière-des-Prairies, d'après nos sources. Barberio a été arrêté dans la phase 1 de l'enquête Clemenza en 2014 et libéré en mars 2017 pour les mêmes raisons que Pizzi et Cuntrera.

Photo archives La Presse

Stefano Sollecito

PHoto archives La Presse

Leonardo Rizzuto