La définition du meurtre au second degré et de l'homicide involontaire semble donner du fil à retordre au jury au procès pour meurtre au premier degré de Tarik Biji, Garmy Guerrier et Jason Côté. Les trois hommes sont accusés d'avoir séquestré dans une cellule, puis battu à mort leur codétenu Michel Barrette à la prison de Bordeaux pour lui voler ses quelques grammes de tabac.

Au sixième jour de leurs délibérations, les 11 jurés ont fait parvenir deux questions à la juge Hélène di Salvo jeudi matin. Ils ont demandé des « clarifications » sur la définition du meurtre au second degré, ainsi que « des exemples ». Puis, ils voulaient déterminer si un homicide involontaire pouvait constituer un « évènement accidentel » ou être « plus large ».

Les jurés, séquestrés depuis vendredi soir au terme du procès de quatre semaines, ont amorcé leurs délibérations samedi après-midi au palais de justice de Montréal. Jusqu'à ce matin, ils n'avaient fait parvenir qu'une seule question à la juge dimanche au sujet de l'intention de commettre un meurtre.

Avant de leur donner ses explications, la juge Di Salvo a invité les jurés à ne pas laisser paraître leurs positions dans la salle de cour. « Ne hochez pas de la tête. Travaillez votre poker face. Je ne veux pas savoir où vous en êtes dans vos délibérations », a-t-elle insisté. La juge a simplement réitéré au jury ses directives et les définitions de ces deux termes.

Selon la Couronne, les trois accusés se sont entendus pour donner une raclée d'une « cruauté inimaginable » à Michel Barrette, le 21 juin 2016, afin de lui « taxer » son tabac. Ils ont ainsi battu leur codétenu de 46 ans pendant une vingtaine de minutes dans la cellule de Tarik Biji, loin des regards des gardiens de prison. Deux témoins oculaires ont affirmé avoir vu les accusés frapper Michel Barrette.

Après le passage à tabac, la victime a été reconduite dans sa cellule par Tarik Biji, alors que d'autres détenus festoyaient dans le corridor. Michel Barrette est mort plus de deux heures plus tard d'une hémorragie interne de la rate, dès sa sortie du secteur D6 de l'Établissement de détention de Montréal. Son sternum et presque toutes ses côtes ont été fracturés.

Un large éventail de verdict est envisageable pour chaque accusé dans ce procès : meurtre au premier ou au second degré, homicide involontaire, voies de fait graves ou l'acquittement. D'abord, le jury doit déterminer si un accusé a commis un « acte illégal » et si cet acte illégal a causé la mort de la victime. Le cas échéant, il peut être déclaré coupable d'homicide involontaire. Notons qu'un accusé n'a pas besoin d'avoir frappé la victime, il peut aussi avoir « encouragé » ou « aidé » quelqu'un d'autre à frapper la victime.

Si un accusé avait l'intention de tuer Michel Barrette ou de lui causer des blessures assez graves pour lui causer la mort sans égard au risque, mais qu'il ne l'a pas séquestré dans une cellule, il peut être déclaré coupable de meurtre au second degré. S'il a en plus séquestré Michel Barrette et qu'il a participé activement à l'acte de lui donner la mort, le verdict sera celui de meurtre au premier degré, le plus grave du Code criminel.

Preuve de la complexité de la tâche des jurés, ceux-ci peuvent également arriver à un verdict d'homicide involontaire en vertu d'un autre article du Code criminel. Ainsi, si un accusé s'est mis d'accord avec d'autres personnes « pour voler le tabac de M. Barrette avec ou sans usage de violence », sachant que l'infliction de blessures importantes était une « conséquence probable », le jury peut le déclarer coupable de ce crime.

Selon les avocats de la défense, les deux témoins-clés de la poursuite sont des « menteurs ». Pendant leurs plaidoiries la semaine dernière, les avocats ont attaqué la crédibilité de ces témoins, en particulier un ex-détenu qui a lui-même avoué être un « menteur » en contre-interrogatoire. « Cette preuve est extrêmement fragile », a soutenu Me David Petranic, l'avocat de Garmy Guerrier, pendant ses plaidoiries.