Un témoin-clé « en danger » suivi par un ex-codétenu avant son témoignage, une sécurité renforcée au tribunal pour éviter l'intimidation et un juré exclu en raison de ses liens avec la conjointe d'un accusé. Voici ce qu'ignorent les 11 jurés séquestrés hier en vue de leurs délibérations au procès de Tarik Biji, Garmy Guerrier et Jason Côté, accusés du meurtre au premier degré de Michel Barrette à la prison de Bordeaux en 2016.

« JE SUIS EN DANGER »

Un témoin-clé de la poursuite soutient s'être fait suivre par un ancien codétenu de la prison de Bordeaux en sortant d'un café, quelques jours avant d'être appelé à la barre. « [Il m'a demandé] si j'étais ici pour témoigner », a raconté le témoin. Ce dernier a témoigné avoir vu Garmy Guerrier et Tarik Biji attaquer Michel Barrette, mort deux heures plus tard d'une hémorragie interne.

« Le fait que je suis ici, je suis en danger », a-t-il affirmé, pour convaincre la juge Hélène Di Salvo de prononcer une ordonnance de non-publication sur son identité. « J'ai des membres [de ma famille] reliés de loin ou de proche aux gangs de rue. Le fait que mon nom soit divulgué, ça met ma vie en danger », a-t-il plaidé.

La présence possiblement suspecte de personnes au début de son témoignage a d'ailleurs incité la juge à renforcer la sécurité devant la salle d'audience pendant le témoignage d'un autre ex-détenu pour éviter toute « intimidation ». Ainsi, chaque citoyen devait prouver son identité aux constables spéciaux pour assister au procès.

RÉCALCITRANT

Malgré l'ordonnance accordée, le témoin a semblé réticent à témoigner, répondant succinctement aux questions des avocats. Son récit de l'agression a été beaucoup moins incriminant pour les accusés, en particulier pour Tarik Biji, que celui qu'il avait livré aux enquêteurs le lendemain du meurtre.

Le procureur de la Couronne Me Louis Bouthillier a carrément dû le « confronter » en lui montrant la vidéo de sa déclaration aux policiers, comme il refusait de la regarder pour se rafraîchir la mémoire. Il a finalement admis du bout des lèvres avoir dit la vérité à l'époque. Pendant leurs plaidoiries, les avocats de la défense l'ont dépeint comme un « menteur » qui était « intéressé » à donner cette version aux enquêteurs. «  Pensez-vous qu'[il] n'était pas celui qui a donné les coups ? », a plaidé Me Gary Martin, avocat de Tarik Biji.

UN JURÉ EXCLU...

Les conjointes d'un juré et d'un accusé se sont retrouvées au coeur du débat dans la dernière ligne droite du procès. Alors que la défense devait amorcer ses plaidoiries, le juré #9 a dévoilé à la juge avoir appris la veille que son amie de coeur connaissait la conjointe du coaccusé Garmy Guerrier. Celle-ci, qui a pourtant assisté à plusieurs jours du procès, a assuré à la juge avoir découvert son lien avec le juré au détour d'une conversation sur Facebook avec son amie. Une situation « extrêmement délicate », selon la juge Di Salvo.

Ébranlé, le juré #9 a candidement admis à la juge ne pas être certain si ce lien pouvait « jouer dans sa tête » lors des délibérations. Sans surprise, il a été excusé du jury. La juge a également émis une stricte ordonnance de non-communication entre la conjointe de M. Guerrier et le juré et sa conjointe.

... ET UN AUTRE TROP CURIEUX

Dès le troisième jour du procès, un juré trop curieux a bien failli se faire lui aussi exclure du jury. Le juré #11 a fait parvenir une lettre à la juge au sujet de la surpopulation à la prison de Bordeaux. Le juré se demandait s'il était possible, à la fin du procès, de recommander au Protecteur du citoyen d'étudier cette « importante question », abordée pendant le procès.

Convoqué par la juge, le juré #11, un historien, a admis avoir fait des recherches sur la prison de Bordeaux au terme du deuxième jour du procès, même si la juge avait bien prévenu le jury de ne pas effectuer de recherches pendant le procès. « J'ai trouvé que le surpeuplement de l'institution est incroyable », a-t-il déclaré.

Cependant, il a juré s'être limité à des recherches sur la section « Architecture carcérale » de l'Encyclopédie canadienne. « Je n'ai pas touché à la cause », a-t-il maintenu. Préoccupée, la juge Di Salvo s'est assurée que le juré était en mesure de faire fi de la surpopulation à Bordeaux pour continuer de siéger.

Photo La Presse

Garmy Guerrier