Le sort de Kwasi Alfred Benjamin est maintenant entre les mains du jury. Les douze jurés, isolés depuis cet après-midi, devront déterminer si le Montréalais a étranglé sa conjointe d'origine inuite Nellie Angutiguluk au terme d'une tragique nuit de beuverie en mai 2015.

Ce verdict risque d'avoir d'importantes répercussions au pays, alors que les Premières Nations dénoncent sur toutes les tribunes le récent acquittement coup sur coup par un jury de deux hommes accusés du meurtre de jeunes Autochtones, Tina Fontaine et Colten Boushie. Ce jeune Cri avait été abattu en août 2016 par un fermier en Saskatchewan, alors que Tina Fontaine, une adolescente de 15 ans de Winnipeg a été tuée en août 2014.

Originaire du village de Puvirnituq, dans le Nord-du-Québec, Nellie Angutiguluk a laissé derrière elle sa famille et ses trois enfants il y a quelques années pour habiter à Montréal. Elle a toutefois sombré dans l'enfer de l'alcool dans la métropole. Après avoir vécu dans la rue un temps, la femme de 29 ans a emménagé en 2013 avec Kwasi Alfred Benjamin dans son appartement du quartier Côte-des-Neiges. Le couple buvait des quantités importantes d'alcool pratiquement tous les jours et se disputait souvent pour des questions d'argent. 

La femme de 29 ans a été retrouvée morte étranglée dans le lit de Kwasi Alfred Benjamin en mai 2015. C'est ce dernier qui a appelé le 9-1-1, mais seulement trois heures après son retour du travail. Selon la Couronne, l'accusé est responsable de la mort de sa conjointe et doit être reconnu coupable de meurtre non prémédité.

Or Kwasi Alfred Benjamin a assuré pendant le procès être parti travailler en croyant que Nellie Angutiguluk était toujours vivante. Cette nuit-là, les deux avaient consommé une vingtaine de bières, selon l'accusé. En retournant à l'appartement, il aurait retrouvé sa conjointe inerte, le dos appuyé contre le mur, quelques minutes plus tard. Il a témoigné l'avoir mise dans le lit. 

Le lendemain matin, Kwasi Alfred Benjamin a essuyé de l'écume de la bouche de sa conjointe, mais n'a pas vérifié si elle respirait toujours avant de partir travailler. À son retour, vers 21h, il n'arrivait pas à la réveiller. Pris de panique, il aurait tenté de joindre à plusieurs reprises la mère de la victime et son patron. Pourquoi n'a-t-il pas téléphoné au 9-1-1 ? « Je pensais qu'elle dormait ! », a-t-il répété plus d'une dizaine de fois pendant son témoignage.

Selon le rapport d'autopsie, Nellie Angutiguluk est morte d'une « strangulation au lien ». Une mince bande rougeâtre et un « étroit sillon » étaient bien visibles autour de son cou. Son taux d'alcoolémie était presque quatre fois plus élevé que la limite légale pour prendre le volant, mais ce n'était pas suffisant pour expliquer sa mort, selon la pathologiste judiciaire.

Pendant son témoignage, Kwasi Alfred Benjamin n'a jamais tenté d'expliquer comment sa conjointe aurait pu perdre la vie cette nuit-là. Toutefois, il a raconté au jury être intervenu de justesse lors de deux tentatives de suicide par strangulation de sa compagne au cours du mois précédant sa mort. 

Au début du mois de mai, il dit avoir trouvé Nellie à genoux dans le placard de leur chambre, en train de s'étrangler avec la corde d'alimentation électrique du réveille-matin. Deux semaines plus tôt, il l'avait découverte en train de se pendre avec sa ceinture dans la salle de bains. Dans aucun des deux cas il n'avait téléphoné au 9-1-1, avait fait remarquer le procureur de la Couronne Dennis Galiatsatos.

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Kwasi Alfred Benjamin