Un homme dont les lunettes de natation ont été confisquées par des policiers après une fouille de son sac à dos, la veille d'un sommet turbulent du G20 à Toronto en 2010, doit témoigner lundi au début d'un procès civil.

Depuis le sommet qui a mené à des arrestations de masse, plusieurs poursuites ont été intentées, des audiences disciplinaires ont eu lieu, et des procédures criminelles ont suivi leur cours, mais cette poursuite civile pourrait bien être la seule qui donnera lieu à un procès, selon l'Association canadienne des libertés civiles.

Dans sa demande en justice déposée initialement en 2011 en Cour supérieure, Luke Stewart, de Kitchener, en Ontario, plaide que les policiers l'ont agressé et détenu illégalement, violant plusieurs de ses droits constitutionnels. Il réclame 100 000 $ en dommages-intérêts.

De son côté, la Commission des services policiers de Toronto nie toute responsabilité, affirmant que les policiers ne faisaient que leur travail. Selon la défense, M. Stewart est responsable de tous les problèmes qu'il a affrontés après s'être rendu dans un parc du centre-ville avec un sac à dos pour participer à la manifestation.

Lors de l'incident, qui a été filmé, M. Stewart raconte s'être rendu aux Allan Gardens le vendredi après-midi avant la fin de semaine de la rencontre du G20, en juin 2010.

Plusieurs policiers ont alors exigé de fouiller son sac pour qu'il puisse entrer dans le parc. Il a refusé et a tenté de se rendre malgré tout à la manifestation. Selon sa version, les policiers l'auraient ensuite « agressé et battu » et auraient fouillé de façon illégale son sac, puis confisqué ses lunettes.

« Le plaignant a été détenu illégalement pendant 12 minutes. Les policiers ont agi de mauvaise foi et avec malice », est-il écrit dans sa requête.

La demande en justice allègue également que les policiers, sous les ordres de leurs patrons, prévoyaient ériger un périmètre autour du parc avec l'intention de fouiller « toute personne avec un sac » qui tentait d'entrer dans cette zone. Ce plan et ces ordres violent la Charte, selon la requête.

« Des policiers de haut rang... ont donné des ordres illégaux », plaide le plaignant.

Tout à fait légal, plaide la police

La Commission des services policiers martèle de son côté que les policiers faisaient de leur mieux pour garder la paix et défendre les biens publics selon la loi provinciale sur l'entrée sans autorisation. Ce qu'ils ont fait aux Allan Gardens était légal, conclut-on.

Selon la version de la commission, les policiers ont dit à M. Stewart - alors âgé de la vingtaine - qu'il pouvait entrer dans le parc si les policiers inspectaient son sac; il était libre de refuser et de s'en aller.

« De telles vérifications étaient nécessaires pour protéger la sécurité des personnes dans le parc selon les circonstances de cette journée-là. Il (M. Stewart) a crié fortement et brusquement aux policiers pour exprimer son mécontentement. »

Les policiers reconnaissent avoir confisqué les lunettes, soulignant « que le parc n'avait pas de piscine » et que celles-ci avaient été utilisées dans d'autres manifestations à des fins illégitimes. M. Stewart prétend qu'il transportait ces lunettes dans l'éventualité où les policiers utiliseraient des « armes chimiques », indique la commission.

La force utilisée contre lui était donc justifiée dans les circonstances et ne représentait pas une agression, a écrit la défense.

Abus de pouvoir ?

L'Association canadienne des libertés civiles est impliquée dans le dossier.

Le groupe considère qu'il s'agit d'un abus de pouvoir de la part de la police, qui a choisi de saisir un bien privé dans un endroit public. Il estime que le versement de dommages-intérêts aiderait à ce que la police rende des comptes pour avoir, selon lui, violé des droits civils.

Depuis le sommet, un policier de haut rang a été reconnu coupable de mauvaise conduite pour avoir ordonné les arrestations de masse qui ont eu lieu cette fin de semaine-là. Un policier de rang inférieur a aussi été condamné, tout comme plusieurs autres manifestants.

Un rapport officiel avait présenté les arrestations de masse survenues au G20 de Toronto comme l'une des pires violations des libertés civiles de l'histoire du Canada.