Un « manque de rigueur » et un « non-respect des règles en vigueur » se sont mis en place au fil des années dans l'utilisation du fonds secret de la Sûreté du Québec (SQ), conclut un audit administratif du corps policier présenté hier au procès pour fraude, vol et abus de confiance de l'ancien grand patron de la SQ Richard Deschesnes et des hauts dirigeants Steven Chabot et Alfred Tremblay.

Cet audit administratif interne décortique plus de 500 « dépenses spéciales d'opération (DSO) » produites entre avril 2008 et décembre 2012 à la SQ. Ce rapport secret remis en août 2013 au directeur général Mario Laprise souligne un « certain laxisme et un manque de rigueur » dans l'utilisation de ce fonds discrétionnaire, à l'abri de toute reddition de comptes.

Parmi les problèmes ciblés, on note une « tendance à se soustraire aux règles pour aller plus vite... en étirant le critère de secret, le demandeur peut contourner les règles ». Le rapport souligne qu'il s'agit parfois pour les policiers d'un « moyen de se soustraire à la reddition de comptes » ou d'un moyen pour « éviter les délais ». Certains policiers ont également peur du « faire face à un refus » par les voies normales.

Cet audit administratif interne d'août 2013 n'a pas été déposé en preuve hier. Toutefois, quelques pages ont été présentées à l'écran pendant le contre-interrogatoire de Mario Laprise, qui a succédé à Richard Deschesnes à la tête de la SQ en 2012. L'audit présentait plusieurs recommandations pour améliorer la gestion des DSO.

Déjà des conclusions similaires

Un premier rapport d'enquête administrative produit six mois plus tôt par la Direction des normes professionnelles de la SQ était arrivé à des conclusions similaires, a révélé La Presse il y a deux semaines. Ce « rapport Millette » concluait à plusieurs « lacunes administratives » entourent la gestion du fonds.

La notion de confidentialité dans l'utilisation du fonds secret était plus « libérale » dans les années 90, a soutenu Mario Laprise, hier. L'ancien dirigeant de la SQ s'est longuement fait questionner par la défense sur sa propre utilisation des DSO dans les années 90 et 2000, notamment pour des repas au restaurant et un tournoi de golf.

«  Tout ce qui était considéré comme une activité légitime de la SQ, ça s'en allait là-dedans. [...] On faisait de l'interprétation de la confidentialité au sens très, très, très large », a-t-il témoigné hier. Mais jamais, dit-il, il n'a autorisé ou demandé des dépenses qui n'étaient pas « légitimes ».

Par précaution, néanmoins, il était parfois préférable de faire passer certaines dépenses dans le fonds secret. « Quelqu'un - je ne dis pas qu'il y en a  - de mal intentionné qui voudrait vendre l'information au crime organisé, d'où les enquêteurs ont leur rencontre ; on est vulnérables », a-t-il dit, alors qu'il était questionné sur une dépense de 1000 $ dans un hôtel.

Selon la poursuite, le directeur général de l'époque Richard Deschesnes a autorisé en mars 2010 des paiements puisés dans le fonds secret de 167 931 $ au directeur adjoint Steven Chabot et de 79 877 $ à l'inspecteur-chef Alfred Tremblay, alors que les deux hommes s'apprêtaient à prendre leur retraite.