Tony Accurso a commencé à témoigner à son procès, jeudi, avec le récit de la création d'un empire immense dont la gestion courante était laissée à ses subalternes, qui ne l'avaient jamais informé d'un système de ristournes illégales à Laval, dit-il.

Vêtu d'un complet bleu royal, d'une chemise blanche et d'une cravate bleue, l'accusé a hésité légèrement lorsqu'on lui a demandé de décliner sa profession au moment de prêter serment. «Entrepreneur», a-t-il laissé tomber.

La thèse de la Couronne dans cette affaire est qu'il existait à Laval un système de corruption et collusion sous le règne de l'ancien maire Gilles Vaillancourt. La mairie choisissait à l'avance les gagnants des appels d'offre pour les contrats publics et les firmes qui bénéficiaient du partage des contrats versaient des ristournes en argent comptant à l'administration Vaillancourt. Tony Accurso est accusé de fraude et complot pour sa participation alléguée au système.

Un risque énorme

L'avocat de M. Accurso, Me Marc Labelle, lui a d'abord demandé s'il avait donné 300 000 $ un subalterne pour que celui-ci remette l'argent à un responsable municipal, puis s'il avait remis 200 000 $ à un collecteur de fonds du maire Vaillancourt. M. Accurso a nié le tout. Il a aussi nié avoir eu connaissance d'un système de ristournes. Il s'était informé deux fois à ses subalternes après que cette possibilité ait été évoquée par des connaissances lors de repas. Chaque fois on lui avait dit que ça n'existait pas, dit-il.

Il dit qu'à l'époque, il aurait craint de perdre ses cautionnements financiers, ses appuis politiques et syndicaux, si toute malversation avait été mise à jour. « Pour moi le risque était énorme! », a-t-il expliqué.

L'accusé a ensuite raconté l'histoire de l'entreprise familiale. L'arrivée au Canada de son père, pauvre immigrant calabrais de 16 ans venu ici sans parents. « Le seul ouvrage disponible quand il est débarqué du bateau, c'était dans le nord, bucheron à Rouyn-Noranda. Un ouvrage très dur », a-t-il expliqué. Son père est ensuite devenu épicier, mineur, opérateur de machinerie puis entrepreneur en construction. « Mon père pour moi c'était un dieu », a expliqué M. Accurso.

Tony Accurso a raconté son enfance à l'école des Soeurs du bon Conseil, dans Ahuntsic, où il a « mangé des coups de règle en masse », puis son départ à 13 ans pour une académie militaire américaine, la même qu'avait fréquenté un peu avant lui Donald Trump. « Mais ça ne veut pas dire qu'on pense pareil », a-t-il lancé en souriant.

Il a évoqué son bac en génie à Concordia, son implication dans l'entreprise de construction familiale, les projets de plus en plus gros, les acquisitions, l'intégration verticale, les investissements dans le bâtiment, les travaux routiers, les chantiers hydroélectriques, un centre commercial, un salon de jeu, des restaurants.

Une demi-douzaine de PDG

Au début de la période visée par les accusations, il s'est retrouvé avec une demi-douzaine de PDG qui travaillaient sous lui, à gérer les branches de son empire.

« J'étais le président du conseil d'administration, je déléguais 100 % des responsabilités à mes présidents. C'est pareil comme si tu donnes les clés de ton auto à quelqu'un et tu lui dis : conduis-la », a-t-il raconté.

« Ils faisaient tout eux-mêmes sans être obligés de me voir. Je trouvais ça vraiment le fun, ça me libérait. »

Il dit ne pas s'être occupé des soumissions (40 à 65 par semaines) préparées par ses entreprises. « C'était trop compliqué. J'amais mieux travailler que faire des soumissions », a-t-il dit.

Le témoignage de M. Accurso se poursuit vendredi.