Dans les mois précédant son arrestation, des amis et des soeurs de Sabrine Djermane s'inquiétaient de sa « curiosité » pour la situation en Syrie, le djihad et le groupe armé État islamique, a raconté ce matin une connaissance de la jeune accusée au procès pour terrorisme de la Montréalaise et de son copain de l'époque El Mahdi Jamali.

La témoin, dont l'identité est protégée par une ordonnance de non-publication, a relaté des conversations qu'elle a eues avec Sabrine Djermane à l'hiver 2015 au sujet de la Syrie et de l'EI.

À l'époque, une poignée d'étudiants du collège Maisonneuve à Montréal, où étudiaient Djermane et Jamali, venaient de quitter le Canada pour aller faire le djihad. Le sujet de la Syrie était sur toutes les lèvres, dont celles de l'accusée.

« On a parlé ensemble. C'était comme une mode. Il y avait vraiment un mouvement », a relaté la connaissance de l'accusée.

« Elle n'avait pas la même opinion que moi. Elle disait qu'il fallait qu'on comprenne ce qui ce passait-là (...) à propos du djihad. Moi je lui disais que ça n'importait pas vraiment parce que ce n'est pas en lien avec notre religion. »

À ces propos, Sabrine se serait montrée « étonnée et sur la défensive. »

La jeune accusée a toutefois clairement dit à son interlocutrice qu'elle n'était pas d'accord avec les gestes du groupe armé État islamique, a confirmé la témoin à l'avocat de Mme Djermane, Me Charles Benmouyal, dans le cadre du contre-interrogatoire.

Le sujet de la Syrie est revenu sur la table plusieurs fois, mais aucune des deux jeunes femmes n'a démordu de sa position.

La témoin a raconté qu'elle s'inquiétait parce que l'EI est connu pour sa propagande sur Internet et que des jeunes peuvent tomber dans le piège. Elle ne voulait pas que cela arrive à Sabrine.

ST : Un avertissement

Après une discussion, elle lui a d'ailleurs envoyé un avertissement par message texte. « Je lui ai dit de faire attention aux informations qu'elle prenait. Il y a n'importe quoi sur Internet, Il y avait un mouvement et des jeunes se faisaient prendre. »

La jeune femme l'a aussi enjoint à « faire attention à son entourage », notamment à son amoureux, El Mehdi Jamali.

Sabrine Djermane n'a pas apprécié. « Elle m'a dit que ce n'était pas du tout lui. Que c'est elle qui était curieuse. »

Les deux jeunes femmes ont eu une conversation subséquente lors de laquelle Sabrine paraissait « stressée ». « Elle m'a dit de prier pour elle. »

Selon son témoignage, la connaissance n'était pas seule à s'inquiéter. Un soir où Sabrine n'est pas rentrée chez ses parents, une amie l'a appelé pour savoir si elle l'avait vue. Quelques minutes plus tard, deux soeurs de l'accusée débarquaient chez elle « en état de panique ».

Ensemble, elles ont parlé de la curiosité démontrée par Sabrine pour la Syrie et de l'influence de El Mehdi Jamali. Quand elle l'a appris, l'accusée n'a pas apprécié. Elle a mis fin à sa relation d'amitié avec la témoin dans les jours suivants. « Elle m'a reproché d'avoir parlé de Mehdi et d'avoir inquiété ses soeurs. »

La famille contre le mariage

Avant leur rupture amicale, Sabrine a eu le temps de confier à son amie qu'elle souhaitait se marier avec son amoureux, mais que sa famille, son père surtout, s'y opposait. « Il avait dit d'attendre au moins après le cégep. »

L'accusée aurait confié à la témoin vouloir aller de l'avant avec l'union coûte que coûte. « Avec l'aide d'un imam, elle n'avait pas besoin de ses parents. »

Dans des échanges textos avec la propriétaire de son logement, Sabrine Djermane affirme d'ailleurs qu'elle est mariée et qu'elle veut fuir sa famille.

« On vient de se marier puis on habite dans la maison de nos parents. On cherche à habiter ensemble. Il y a quelques tensions avec nos parents. »

Un long procès

Voilà plus de six semaines que le procès pour infractions terroristes de Sabrine Djermane et El Mehdi Jamali se déroule au palais de justice de Montréal.

Après deux longues semaines lors desquelles des experts du Groupe intégré de la criminalité technologique ont expliqué comment ils ont fait l'extraction des données contenues dans les appareils électroniques saisis chez les suspects, la couronne fait entendre depuis mardi des témoins civils qui ont côtoyé le couple.

Mardi, un enseignant en soins infirmiers du cégep Maisonneuve est venu dire que Sabrine avait cessé de se présenter à ses cours et à ses examens au cours de la session d'hiver 2015.

Depuis hier, la propriétaire du logement loué par le couple un mois avant son arrestation, en avril 2015, regarde une à une des photos des objets saisis dans sa propriété pour confirmer qu'ils ne lui appartiennent pas.

Rappelons que, dans le cadre d'une série de perquisitions menées dans ce logement ainsi que chez les parents des deux accusés, les membres de l'Équipe intégrée de la sécurité nationale de la GRC ont saisi une recette de bombe artisanale identique à celle suggérée par le groupe terroriste Al-Qaïda ainsi que plusieurs ingrédients, dont des lumières de Noël, du papier sablé et une cocotte-minute.

El Mahdi Jamali, 20 ans, et Sabrine Djermane, 21 ans, sont accusés d'avoir tenté de quitter le Canada en vue de commettre un acte terroriste à l'étranger, de possession d'une substance explosive dans un but criminel, d'avoir facilité un acte terroriste et d'avoir commis un acte au profit ou sous la direction d'un groupe terroriste. Ils ont plaidé non coupable.