« Je te briserai tous les os du corps, j'irai en prison et je reviendrai pour t'achever », a asséné Ahmad Nehme à sa femme, Catherine de Boucherville, quelques jours avant sa mort violente. Dans un témoignage extrêmement émotif, hier, la fille du couple a dépeint l'accusé comme un homme intimidant, hyper contrôlant et persuadé que sa femme avait sali « son honneur » en lui étant infidèle.

Dans les jours ayant précédé la mort de Catherine de Boucherville, poignardée une quinzaine de fois dans la salle de bains de la résidence familiale de LaSalle, à Montréal, le couple était sur le point de divorcer et faisait chambre à part. « Les menaces et les insultes [de mon père] étaient de plus en plus atroces et vulgaires. [...] J'avais vraiment, vraiment, vraiment peur ! J'étais terrifiée ! J'avais vraiment envie d'appeler la police, mais je me suis retenue », a témoigné en pleurant la jeune femme de 21 ans, hier, au procès pour meurtre prémédité de son père Ahmad Nehme.

Une nuit, cinq jours avant le meurtre, Ahmad Nehme a réveillé sa femme pour la sermonner. « Il expliquait que ma mère était une mauvaise femme, qu'elle était infidèle, qu'elle était vraiment sale, une pute, une salope, qu'elle lui manquait de respect, qu'elle abîmait son honneur », a relaté Dania Nehme par vidéoconférence. L'accusé de 53 ans est demeuré impassible, fixant l'écran sans broncher pendant tout le témoignage, même quand sa fille sanglotait bruyamment.

Au cours de cette semaine cruciale, la mère de famille de 44 ans a même appelé le frère de son mari, terrifiée. La jeune fille a assisté à la conversation.

« Elle avait tellement peur !, a raconté cette dernière. Elle lui a dit : "Je t'en supplie, s'il te plaît, viens à Montréal ! Parce qu'Ahmad m'inquiète vraiment beaucoup ! J'ai peur pour notre sécurité ! J'ai peur pour mes enfants et pour moi !" »

Son beau-frère a toutefois refusé. La veille du meurtre, Catherine de Boucherville a pressé sa fille de lui donner ce qu'elle avait de « plus précieux » pour le cacher chez leur voisine. Ses choix ? Une clé USB, un iPod et du maquillage.

Le matin du 5 juillet 2012, Ahmad Nehme est rentré dans le condo familial en claquant la porte et s'est rendu directement à la salle de bains. Il avait dormi ailleurs, cette nuit-là. « J'ai entendu ma mère crier avec tellement de désespoir ! Tellement de peur dans sa voix, je ne l'ai jamais entendue crier comme ça ! Elle a crié : ‟Non ! Non ! Non !" Et elle a dit : ‟Dania, appelle la police !" J'ai sorti de ma chambre à moitié habillée, je suis allée à la salle de bains, et j'ai crié : ‟Maman !..." Et elle ne m'a jamais répondu », a soufflé Dania Nehme en pleurant à chaudes larmes.

L'adolescente de 16 ans a ensuite vu son père, la main droite et les vêtements couverts de sang. « Il y en avait tellement sur lui... j'étais presque certaine qu'il l'avait tuée... », a-t-elle sangloté, bouleversée. Quelques minutes plus tard, son frère autiste de 13 ans a été retrouvé caché dans les draps d'un lit. « Il m'a dit : ‟Dania, est-ce qu'on a un meurtrier dans la maison ?" Je lui ai dit : ‟Je ne sais pas si maman est morte." »

«Comme l'enfer»

Le climat familial était très difficile depuis plusieurs années, a raconté Dania Nehme. « Ça allait vraiment mal... c'était comme l'enfer sur terre ! », a-t-elle dit, en pleurs. « Il nous contrôlait, nous manipulait, il nous intimidait, c'était tellement rare qu'il y ait une journée où je ne pleurais pas. Il a commencé à m'insulter quand j'avais 5 ans », a-t-elle lancé, la voix brisée. Elle affirme avoir songé au suicide.

Une fois, son père l'a carrément menacée de lui « défigurer le visage », a-t-elle témoigné. Dès le début de son adolescence, son père lui a interdit de parler avec des garçons, de prendre l'autobus et de sortir de la maison, sauf pour aller à l'école musulmane. Furieux, il a déjà débranché téléphone, internet et ordinateur pendant plusieurs mois pour ces raisons.

Un an avant le meurtre, l'accusé avait saccagé tous les meubles de la chambre de sa fille parce qu'elle avait participé à sa fête de fin d'études avec l'accord de sa mère. Alors qu'elle portait toujours sa robe de bal, son père l'a traitée de « rat », de « pute » et de « salope », a-t-elle témoigné, émotive. « Il disait qu'il allait me jeter à la rue et m'enlever mon nom de famille », a-t-elle sangloté. Son père était si fâché qu'il se donnait de puissantes claques au visage pour lui signifier toute sa honte.

Le procès se poursuit demain.