La mosquée montréalaise Assahaba où prêche Adil Charkaoui est sur l'écran radar de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) « dans plusieurs dossiers » liés à la sécurité nationale, a confirmé hier une analyste du corps de police lors d'un témoignage au tribunal.

« Ce centre, pour moi, est un dénominateur commun dans plusieurs dossiers », a déclaré l'analyste aux renseignements de la criminalité de l'Équipe intégrée de la sécurité nationale (EISN) Geneviève Coulombe, lors du procès pour terrorisme de Sabrine Djermane et El Mahdi Jamali, à Montréal.

C'est la première fois qu'un membre de la GRC va publiquement aussi loin au sujet de l'intérêt porté par le corps de police au Centre communautaire islamique Assahaba, dont La Presse a souvent parlé dans ses pages.

Comme le procès dans le cadre duquel cette déclaration a été faite se tient devant jury, il nous est interdit de revenir sur ce que nous avons déjà écrit ou de donner dans ce texte des informations qui n'ont pas encore été dévoilées aux jurés concernant la mosquée.

« FUYEZ VERS ALLAH ! »

Hier, la procureure experte des dossiers de terrorisme Lyne Décarie a montré au jury des dizaines d'échanges tenus sur Facebook par les deux accusés et dont le contenu a été analysé par Geneviève Coulombe.

Cette dernière a identifié, dans le compte Facebook d'El Mahdi Jamali, des conversations où le jeune homme invite avec insistance des amis à la conférence « Fuyez vers Allah ! », tenue en 2014 au Centre islamique Assahaba, rue Bélanger Est à Montréal.

Parmi les prédicateurs annoncés dans le programme de cet événement, que l'accusé a envoyé en ligne à l'un de ses interlocuteurs, figurent Adil Charkaoui et Hamza Chaoui, dont nous avons aussi déjà parlé.

Mme Coulombe a jugé que le contenu Facebook concernant l'événement « Fuyez vers Allah ! » était pertinent pour l'enquête sur le jeune couple notamment « parce qu'il avait lieu au centre Assahaba », endroit qu'elle connaît par son travail dans l'EISN.

Lorsque l'avocat d'El Mahdi Jamali, Me Tiago Murias, a demandé à la témoin de préciser les critères qu'elle a utilisés pour choisir les éléments « pertinents à l'enquête », l'analyste a entre autres souligné l'importance de « faire le lien avec d'autres dossiers ou des pistes d'enquête ».

EFFACER SES TRACES

L'analyste de la GRC a aussi ciblé, dans les comptes Facebook des deux accusés, des liens web vers des vidéos et des photos traitant du groupe armé État islamique (EI) et des conversations dans lesquelles elle a décelé des propos violents ou traitant du djihad.

La Couronne a aussi déposé en preuve des conversations dans lesquelles El Mahdi Jamali s'interroge sur la manière d'effacer certaines traces sur le réseau social. Il demande par exemple à un ami : « Comment tu fais pour supprimer tes actions de Facebook ? »

Selon le témoignage de Geneviève Coulombe, il a réussi à effacer certaines conversations, dont le contenu n'a pu être révélé.

DES AMOUREUX

Dans un tout autre registre, El Mahdi Jamali a envoyé en 2014 à son amoureuse, toujours par l'intermédiaire de Facebook, une photo d'eux qui tranche avec le portrait qu'on dresse jusqu'ici du jeune couple. 

On y voit des amoureux comme les autres, souriants, leurs têtes penchées l'une vers l'autre. Alors que sur sa photo de fin d'études, souvent publiée dans les médias, Sabrine Djermane porte le voile, elle ne le porte pas sur celle-ci.

Djermane, 21 ans, et Jamali, 20 ans, en sont à leur troisième semaine de procès.

Hier, ils semblaient décontractés et souriants dans le box vitré réservé aux accusés.

Ils ont même ri à quelques reprises à la lecture de certaines conversations Facebook plus ludiques, déposées par la défense.

Le duo est accusé d'avoir tenté de quitter le Canada en vue de commettre un acte terroriste à l'étranger, d'avoir été en possession d'une substance explosive dans un but criminel, d'avoir facilité un acte terroriste et d'avoir commis un acte au profit ou sous la direction d'un groupe terroriste.

Image tirée de Facebook

La conférence « Fuyez vers Allah ! » a eu lieu en 2014 au Centre islamique Assahaba, à Montréal.

Photo archives La Presse

El Mahdi Jamali et Sabrine Djermane