Le jeune couple de Montréalais accusé de terrorisme aurait été influencé par la propagande djihadiste. Et c'est parce qu'une soeur de la jeune suspecte les a dénoncés que Sabrine Djermane et El Mahdi Jamali ont été arrêtés en 2015. Voilà ce qui ressort de la deuxième journée de leur procès, qui a lieu à Montréal.

Précisons que la preuve n'est pas présentée de manière chronologique et qu'il nous est interdit par la loi de divulguer quoi que ce soit de ce dossier, hormis ce qui est dévoilé au jury.

Dénoncée par sa soeur

C'est une soeur de Sabrine qui, en avril 2015, a communiqué avec la GRC pour exprimer son inquiétude quant à sa cadette et à l'amoureux de cette dernière. Sabrine, disait-elle, avait quitté la résidence familiale. El Mahdi affichait un drapeau du groupe armé État islamique sur sa page Facebook.

La plainte a été prise au sérieux et un enquêteur de l'Équipe intégrée de la sécurité nationale, le gendarme Keven Rouleau, a contacté l'accusée. Il a raconté devant le tribunal avoir entrepris une série de rencontres avec Sabrine, El Mahdi, une amie de Sabrine ainsi que sa mère et deux de ses soeurs. Il a rendu visite à Sabrine à l'appartement où elle venait d'emménager, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Il a raconté avoir abordé plusieurs sujets avec elle, dont le fait que de jeunes Québécois étaient partis pour la Syrie, le mariage et le groupe armé État islamique. « Sabrine est une personne très sociable. Elle nous a donné un accueil parfait », a-t-il témoigné.

Les démarches du policier ont provoqué une crise dans la famille Djermane, qui a tenu dans les jours suivants une réunion familiale au cours de laquelle la soeur de l'accusée a multiplié les appels au policier, lui exprimant à nouveau de vives craintes, a-t-il dit.

Faire confiance à Allah

Dans la foulée de l'arrestation du couple, à la mi-avril, une série de perquisitions ont été menées à leurs domiciles, a expliqué la procureure de la Couronne, Me Lyne Décarie. Un enquêteur de la GRC, Mouhanad Kanou, est venu raconter qu'il avait traduit un document manuscrit trouvé dans l'appartement du couple et rédigé à la main par El Mahdi Jamali. Le document, présenté au jury, est intitulé Mets ta confiance en Allah. Sous le titre, ces mots : « Les sept cadeaux d'Allah ».

Suit une liste numérotée, parfois en français, parfois en arabe, parfois en anglais : « Tous les péchés pardonnés à la première goutte de sang » ; « 72 vierges » ; « 70 membres de la famille affranchis » ; etc.

Ils ont répondu à l'appel

Sabrine Djermane et El Mahdi Jamali ont répondu à l'appel au combat du djihadiste canadien John Maguire, a fait valoir la procureure de la Couronne à l'intention des membres du jury lors de son exposé d'ouverture, hier matin.

Dans une vidéo de propagande du groupe armé État islamique diffusée il y a quelques années, l'Ontarien John Maguire lançait un appel aux musulmans canadiens. « La hijra [l'émigration vers un pays musulman] ou le djihad. Vous faites vos valises ou préparez vos engins explosifs. Vous achetez votre billet d'avion ou vous affûtez votre couteau », martelait le djihadiste.

« La poursuite entend démontrer que Sabrine Djermane et El Mahdi Jamali ont répondu à cet appel », a déclaré Me Lyne Décarie.

Pour le démontrer, elle prévoit faire entendre de nombreux témoins, dont certains qui viendront expliquer qu'ils ont trouvé chez le couple une recette de bombe artisanale proposée par le groupe Al-Qaïda et certains des ingrédients nécessaires à sa fabrication.

Quatre chefs d'accusation

Hier, les accusés, lui 20 ans et elle 21 ans, ont plaidé non coupable devant les 12 membres du jury aux quatre chefs d'accusation auxquels ils font face : avoir tenté de quitter le Canada en vue de commettre un acte terroriste à l'étranger, avoir été en possession d'une substance explosive dans un but criminel, avoir facilité un acte terroriste et avoir commis un acte au profit ou sous la direction d'un groupe terroriste.

Sabrine Djermane, ses longs cheveux bouclés remontés en queue de cheval et vêtue d'un coquet chandail couleur framboise, et El Mahdi Jamali, chemise blanche à manches courtes et jeans bleu, se sont levés durant la lecture des chefs d'accusation. Plusieurs membres du jury ont alors tourné les yeux vers eux.