« Lorsque l'arme est sortie, un son est sorti de Clémence... c'était comme... son dernier souffle... », raconte Pascale Nadège-Joseph, la voix brisée. Des témoins de l'horreur, un brave homme aux trousses de l'agresseur et des bons Samaritains qui ont désespérément tenté de sauver Clémence Beaulieu-Patry : les premiers témoins au procès pour meurtre de Randy Tshilumba ont livré des témoignages bouleversants, à la limite du supportable vendredi.

Pascale Nadège-Joseph a presque tout vu de l'agression, survenue le 10 avril 2016 dans une épicerie Maxi du quartier Saint-Michel à Montréal. Le couteau, le son, le sang : elle se souvient de tout. Sa fille de 4 ans et elle se trouvaient à seulement quatre mètres de Clémence Beaulieu-Patry quand Randy Tshilumba l'a poignardée à 14 reprises au cou, au dos et à la poitrine, comme entend le démontrer la Couronne durant le procès.

« Il tenait Clémence, elle était dos à lui, c'est là que j'ai vu un reflet... », dit-elle en sanglotant, avant de prendre une longue pause. Ce reflet, c'était une « machette » longue comme « son bras ». « Ça se peut pas ! C'est impossible ! J'ai vu le bras comme ça, du bas vers le haut », raconte-t-elle en mimant un mouvement de coup de couteau, puis en imitant le « bruit de succion » du coup fatidique. « J'ai crié : qu'est-ce que tu fais ! ? Appelez la police ! Appelez la police ! Il est en train de la tuer ! »

Un instant plus tard, l'agresseur dépose Clémence Beaulieu-Patry au sol, puis se met à courir. Quelques mètres plus loin, le mari de Pascale Nadège-Joseph, Jean Willem Lahens, qui magasine dans une autre section du supermarché Maxi, se précipite vers sa famille et se lance à la poursuite de l'agresseur. « Je crie au monde : bloquez la porte ! Appelez la police ! », témoigne-t-il. L'agresseur se faufile à l'extérieur, alors que son poursuivant se bute à une porte close.

Jean Willem Lahens accourt auprès de Clémence Beaulieu-Patry. À la barre des témoins, le père de famille souffle bruyamment, visiblement ému par le récit bouleversant à venir. 

« Je me suis agenouillé, je lui tenais la main, je lui disais : on est là, on est là. Je voyais du sang qui sortait, j'essayais de l'arrêter... Il y avait tellement de sang, ça sortait de partout. »- Jean Willem Lahens

Un autre témoin assiste à la scène à l'autre bout du magasin. Philippe Desrosiers voit Clémence Beaulieu-Patry tomber au sol. « Je savais que c'était grave, je voyais beaucoup de sang », dit-il. En se dirigeant vers la scène, il communique avec le 9-1-1 et vient prêter main-forte à Jean Willem Lahens et à une autre femme.

Philippe Desrosiers s'évertue à sauver Clémence, malgré l'ampleur de ses blessures. « J'ai dit à la victime : reste avec nous », raconte-t-il calmement à la barre des témoins. Les deux mains appuyées sur les plaies de Clémence, Philippe Desrosiers assiste, impuissant, au dernier souffle de la jeune femme.

« Beaucoup de sang sortait de sa bouche. [L'autre femme] donnait du bouche-à-bouche. Elle crachait du sang, elle crachait du sang. Je l'ai vue changer de couleur, j'ai vu ses yeux qui ont viré », relate-t-il. 

« Je le savais tout de suite que c'était fini. Je suis un des premiers qui l'a lâchée... » - Philippe Desrosiers

À ses côtés, Claudelle Calvé, une infirmière de 24 ans, se démène pour sauver la jeune victime. Pendant de longues minutes, elle lui donne un massage cardiaque. Or, ses lacérations au poignet, au dos et au thorax étaient trop graves, trop profondes, témoigne l'infirmière.

RENCONTRE AVEC L'ACCUSÉ

Les deux premiers témoins, les meilleures amies de la victime, Chloé Potel et Myriam Ben Said, ont expliqué que Clémence et elles n'avaient jamais côtoyé leur ancien camarade de classe Randy Tshilumba. Myriam Ben Said a raconté sa rencontre avec l'accusé deux semaines avant le meurtre, dans le magasin de chaussures où elle travaillait. Au moment de lui parler, l'accusé « suait vraiment beaucoup » et semblait extrêmement nerveux, a-t-elle témoigné.

Selon la thèse présentée par la procureure de la Couronne Catherine Perreault, hier, dans son exposé introductif, Randy Tshilumba a planifié de tuer Clémence Beaulieu-Patry une semaine après avoir été éconduit par celle-ci. L'accusé s'était rendu à trois reprises au magasin Maxi sans rien acheter les jours précédant le drame.

Le 10 avril 2016, il s'est dirigé vers Clémence Beaulieu-Patry et l'a poignardée 14 fois avant de prendre la fuite pour se cacher pendant des heures dans les toilettes des femmes d'un Tim Hortons adjacent. « Durant toute la journée qui suivra le meurtre de Clémence, il va faire ces recherches internet : meurtre au supermarché, how to clean blood [comment nettoyer du sang], how to get rid of evidence [comment se débarrasser d'une preuve], perfect murder [meurtre parfait] », a soutenu Me Perreault.

Notons que la défense a admis, hier, que Randy Tshilumba se trouvait dans le Maxi au moment du meurtre. Le procès se poursuit lundi.