Ismaël Habib voulait-il partir en Syrie pour gonfler les rangs du groupe armé État islamique (EI) ? Ou souhaitait-il tirer sa femme et ses enfants des griffes du califat ?

Hier, six mois après le début du procès pour terrorisme du Québécois de 29 ans, c'était jour de plaidoirie. M. Habib est le premier adulte canadien à avoir un procès en vertu de l'article 83.181 du Code criminel pour avoir quitté ou tenté de quitter le pays afin de participer aux activités d'un groupe terroriste. La décision du juge Serge Delisle fera jurisprudence.

RETOUR SUR LES FAITS

• Ismaël Habib est allé en Syrie en 2013. Il aurait passé du temps avec des groupes djihadistes qui ne figurent pas sur la liste des entités considérées comme terroristes par le Canada.

• De retour au Québec, M. Habib a fait plusieurs tentatives pour obtenir un faux passeport, se faisant notamment passer pour son frère jumeau.

• Depuis 2014, M. Habib a fait bon nombre de recherches sur l'internet à propos de l'EI, des armes, des cartes militaires de la Syrie et des moyens de quitter le Canada illégalement.

• La femme et les deux enfants de M. Habib se trouveraient quelque part dans le territoire de l'EI.

• Après le départ de sa femme, M. Habib a entrepris une relation avec une Gatinoise qui a porté plainte pour violence conjugale l'an dernier.

• M. Habib s'est fait prendre dans une opération d'infiltration de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Il croyait traiter avec une organisation criminelle de passeurs et de faux passeports. Il a avoué à un agent infiltré son désir de rejoindre l'EI.

L'INTENTION DE PARTIR

Les deux camps s'entendent : Ismaël Habib voulait aller en Syrie. Mais pourquoi ?

Pour la défense, M. Habib était prêt à tout, même à se procurer un faux passeport, pour rejoindre femme et enfants. Me Charles Montpetit a admis que le juge ne pouvait pas écarter la possibilité qu'il ait voulu gonfler les rangs des terroristes, mais que l'autre possibilité existait aussi et qu'elle devrait semer un doute raisonnable dans son esprit.

Selon la Couronne, le but ultime de l'accusé était de rejoindre l'EI. Dans sa preuve, la poursuite a déposé des conversations dans lesquelles l'accusé affirme vouloir aider l'EI le plus possible et être prêt à mourir pour le principe. « Le fait qu'il veuille rejoindre sa conjointe et ses enfants n'empêche en rien qu'il veuille également joindre l'EI », a dit la procureure Lyne Decarie.

LA CRÉDIBILITÉ DES AVEUX

La Couronne a déposé en preuve les aveux de M. Habib à un agent d'infiltration qu'il croyait membre d'une organisation criminelle. La défense estime que ces aveux ont été « dirigés » par les policiers, que M. Habib n'a dit que ce que l'homme voulait entendre afin d'obtenir ce qu'on lui faisait miroiter et qu'il désirait le plus : un faux passeport pour aller rejoindre sa famille.

LA CRÉDIBILITÉ DE HABIB

La défense se base largement sur le témoignage de M. Habib pour prouver son désir de retrouver ses proches. « Monsieur n'est pas quelqu'un de crédible et sa version ne devrait pas être crue. Il ne devrait pas soulever un doute [dans la tête du juge] », a dit Lyne Decarie.

COUPABLE D'AVOIR FAIT UNE FAUSSE DÉCLARATION

Ismaël Habib faisait aussi l'objet d'une accusation de fausse déclaration relative à un passeport. Son avocat n'a pas offert de défense sur cette accusation, utilisant plutôt les faits reprochés comme argument dans son plaidoyer. Le juge a déclaré Ismaël Habib coupable, hier. La peine maximale est de deux ans d'emprisonnement. L'accusé est derrière les barreaux depuis un an déjà.