Marlène Dufresne a vécu le pire cauchemar d'une mère. Elle venait à peine de signaler la disparition de sa fille de 17 ans lorsque des policiers se sont présentés chez elle. L'un des agents a sorti son cellulaire et lui a montré une photo.

«Est-ce bien votre fille Gabrielle?», lui a-t-il demandé.

Marlène Dufresne ne l'a pas reconnue sur le coup. C'était un gros plan d'un visage. «Il était tout gonflé», a raconté la mère éplorée, hier, au premier jour du procès de celui qui est accusé du meurtre de sa fille, Jonathan Mahautière.

C'était bien sa fille. Le 7 juin 2014, en soirée, Gabrielle Dufresne-Élie a été retrouvée dans une chambre du motel Chablis, gisant sur le dos, inerte, un oreiller sur le visage, le pantalon baissé aux chevilles.

Mme Dufresne a éclaté en sanglots à quelques reprises, hier, en décrivant la trop courte vie de sa fille. Visiblement stressée de devoir prendre la parole devant le juge et les jurés, la mère de famille de 50 ans a pressé fermement d'une main sa balle caoutchouc « antistress » orange fluo durant tout son témoignage.

Ado «sans histoire»

Gabrielle Dufresne-Élie était une adolescente «sans histoire». Elle terminait sa cinquième secondaire dans une école privée pour filles. Elle vivait avec sa mère, sa soeur jumelle et son beau-père dans l'est de Montréal, non loin du Stade olympique.

En couple depuis deux ans avec l'accusé, la victime n'éprouvait «plus de sentiment» pour le jeune homme et lui avait dit qu'elle voulait rompre, a décrit la procureure de la Couronne Geneviève Dagenais au jury, hier, à l'ouverture du procès.

Ce samedi-là, l'adolescente a accepté de passer la journée avec l'accusé, mais elle lui a expliqué qu'il ne devait pas se faire d'attentes, que «c'était réellement terminé», a précisé la poursuite, qui déposera en preuve des conversations Facebook entre l'accusé et la victime plus tard au procès.

Comme tous les samedis matins, Mme Dufresne et ses filles ont fait des corvées ménagères. Puis vers 11h, Gabrielle a dit à sa maman : «Je sors et je reviens bientôt.»

Elle n'a même pas pris de veste ni de clé, a raconté sa mère, hier. Sa soeur jumelle, Chloé, est sortie de son côté. C'est la dernière fois que Mme Dufresne a vu Gabrielle vivante.

Les filles avaient un couvre-feu fixé à 22h30. Chloé est rentrée à l'heure. Pas Gabrielle. Mme Dufresne a tout de suite senti que «quelque chose se passait». «Gabrielle ne faisait jamais cela, pas rentrer», a expliqué la mère de famille, qui s'est empressée de signaler sa disparition à la police. L'attente a été courte.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Gabrielle Dufresne-Élie

Appel au 911

À 22h46, l'accusé qui venait de passer la soirée au motel Chablis avec Gabrielle a appelé à la centrale 911. Il a dit qu'il avait «fait quelque chose de grave» qui lui mériterait «la prison à vie», a indiqué la Couronne.

Selon la théorie de la poursuite, le jeune homme aurait étranglé l'adolescente lorsque cette dernière lui aurait signifié qu'elle devait rentrer chez elle pour respecter son couvre-feu.

À l'arrivée des ambulanciers, l'accusé - qui était sorti de la chambre pour aller appeler les secours - leur a remis la clé de la chambre.

Or, pour une raison qui n'a pas encore été expliquée au procès, les ambulanciers ont attendu l'arrivée des policiers pour y entrer. Les premiers policiers sont arrivés sur les lieux à 23h13.

C'est donc dire que les ambulanciers ont pratiqué les premières manoeuvres de réanimation 30 minutes après l'appel au 911.

L'adolescente a été transportée à l'hôpital, où son décès a été constaté.

Jonathan Mahautière a été arrêté ce soir-là.

«Un enfant normal, heureux, épanoui»

Mme Dufresne recevait fréquemment le copain de sa fille à souper. Elle l'a même invité une fois à faire du ski en famille. Une autre fois, elle l'a amené en camping. Lorsque le garçon a informé sa copine qu'il avait des ennuis financiers, la mère de famille a même offert de lui payer ses fournitures scolaires.

Questionnée par la poursuite sur la personnalité de l'accusé, Mme Dufresne a décrit Mahautière comme un «enfant normal», «heureux», «épanoui», «très poli». Le jeune homme vivait à Repentigny, alors il voyait Gabrielle essentiellement les week-ends.

Or, la maman endeuillée a dressé un portrait plus nuancé, hier, lorsque la défense l'a interrogée à son tour. L'accusé est devenu «perturbé» environ six mois avant le meurtre. «Il ne contrôlait pas ses émotions», a dit Mme Dufresne. Il avait des problèmes financiers et scolaires. À 17 ans, il était encore en première secondaire.

«Gabrielle voulait prendre ses distances», a expliqué la maman. Six mois avant le meurtre, l'adolescente est tombée enceinte de l'accusé et a décidé de se faire avorter. Puis au début de l'été, il a confié à Mme Dufresne que ses parents l'avaient «mis dehors».

Le jeune homme à l'air juvénile - défendu par Mes Marie-Hélène Giroux et Clemente Monterosso - a plaidé non coupable à l'accusation du meurtre non prémédité qui pèse contre lui.

La mère de la victime entend assister au procès à la mémoire de sa fille même si d'autres témoignages difficiles sont attendus. La soeur jumelle de Gabrielle doit témoigner aujourd'hui.

Photo fournie par le SPVM

Jonathan Mahautière