Comment John Boulachanis a-t-il réussi à se libérer de toutes ses chaînes pour s'évader du fourgon cellulaire qui l'emmenait à la prison de Valleyfield, le 6 novembre 2013 ? Trois ans plus tard, un des agents des services correctionnels qui était du voyage se le demande encore.

« C'était Houdini à Valleyfield ! Il n'avait plus de menottes, plus de chaînes aux mains ni aux pieds. Je n'arrivais pas à croire qu'il était passé par une fenêtre de sortie de secours de six pouces sur 18 pouces », a relaté Sylvain Moses, premier témoin appelé à la barre, hier, au procès de M. Boulachanis. Ce dernier est jugé pour le meurtre de Robert Tanguay qui, selon la preuve que la Couronne entend présenter, a été abattu et enterré dans une sablière de Rigaud, le 9 août 1997. Ses ossements ont été découverts quatre ans plus tard par une famille qui se promenait à cet endroit, a expliqué le procureur de la Couronne Pierre-Olivier Gagnon, lors de son adresse au jury.

Au cours de ce procès qui doit durer au moins huit semaines et qui se déroule au centre de services judiciaires Gouin, la Couronne entend prouver que M. Boulachanis a creusé un trou dans une sablière et a tué M. Tanguay avec préméditation, devant deux complices. Ceux-ci viendront relater que la victime a été exécutée froidement, avant d'être enterrée. Le soir même, M. Boulachanis aurait apporté l'arme à des amis à Montréal et leur aurait fait des confidences au sujet du meurtre. Les amis ont remis l'arme à la police, quelques mois plus tard. Un expert en balistique viendra confirmer que la victime a été abattue avec cette arme, a déclaré le procureur.

La Couronne compte aussi mettre en preuve le comportement de M. Boulachanis après son arrestation. Le moment de cette arrestation n'a pas été précisé, hier, mais le procureur a parlé de trois comportements : son évasion du fourgon cellulaire en novembre 2013, le fait qu'il aurait tenté de s'en prendre à un complice pour qu'il ne témoigne pas et, enfin, le fait qu'il aurait tenté de soudoyer un autre témoin pour qu'il mente. Tout cela reste bien sûr à prouver. La Couronne a décidé de commencer sa preuve avec l'évasion.

ÉVASION

L'agent des services correctionnels Moses a raconté que le matin du 6 novembre 2013, lui et son collègue avaient cinq hommes et une femme à cueillir dans des établissements de détention de Montréal, pour les amener au palais de justice de Valleyfield. M. Boulachanis était du lot. M. Moses lui a mis les menottes, lui a passé des chaînes aux pieds et a installé une autre chaîne qui reliait les poignets aux chevilles. M. Boulachanis a ensuite été placé dans une cellule du fourgon cellulaire. Le trajet a duré environ une heure. Une fois au centre-ville de Valleyfield, à une intersection, une alarme a sonné, et le chauffeur du fourgon a vu qu'un homme était à côté du fourgon cellulaire.

« Il y a un gars qui s'évade », s'est écrié le chauffeur, qui est parti aux trousses de l'évadé. Ce dernier boitait et il a vite été rattrapé et maîtrisé. Il s'agissait de John Boulachanis, a assuré M. Moses. Des policiers de la Sûreté du Québec sont venus le cueillir et l'ont conduit à l'hôpital.

Les agents des services correctionnels avaient hâte de retourner dans le fourgon pour voir comment M. Boulachanis avait fait pour s'évader. « On a vu le kit de chaînes et les menottes qui traînaient dans la cellule. Et il y avait deux espèces de scies en métal bleu, de deux pouces sur six pouces », a relaté le témoin. Il n'a pas été possible de savoir comment M. Boulachanis avait obtenu ces outils.

Un policier de la SQ, Francis-Paul Girard, est ensuite venu raconter qu'il avait pris en charge M. Boulachanis, ce fameux matin de novembre. L'homme s'était fait mal à une jambe dans sa chute du fourgon. En le fouillant, le policier a découvert une clé de menottes dans une de ses chaussettes. Par terre, il a aussi récupéré un objet cylindrique, enroulé de cellophane, semblable à un cigare cubain. Il contenait en fait un poinçon pour fracasser des vitres, et il était entouré de billets de 50 $. M. Boulachanis avait en outre une liste de noms et des adresses dans ses poches.

Le procès se poursuit aujourd'hui.