Le jugement rendu vendredi reprochant à des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) d'avoir piégé un couple pour que celui-ci soit ensuite accusé de terrorisme créera un précédent qui, selon plusieurs experts, demeure vague.

Le directeur général de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, Micheal Vonn, estime que la police devrait reconsidérer ses tactiques antiterroristes.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique a renversé, vendredi, les verdicts de culpabilité qui pesaient contre John Nuttall et Amanda Korody.

La juge Catherine Bruce a estimé que des agents GRC avaient piégé le couple lors d'une opération d'infiltration de plusieurs mois ayant mené au projet d'attentat qui devait se concrétiser durant la fête du Canada en 2013.

Les accusés ont été les exécutants, mais ce sont des agents infiltrés qui ont orchestré le complot, utilisant à mauvais escient leur autorité pendant des mois, affirme le jugement.

Un jury avait reconnu John Nuttall et Amanda Korody coupables de trois chefs d'accusation liés au terrorisme en juin 2015, mais la juge Bruce a statué vendredi que tous deux avaient été naïfs et s'étaient laissé influencer. Le couple n'aurait pas pu agir seul, selon le jugement.

M. Vonn considère le jugement de Mme Bruce comme courageux et criant d'évidence. Le fait qu'une opération policière aussi coûteuse ait été jugée par un tribunal encouragera, selon l'expert, la police à procéder à des changements.

«Ça envoie certainement le signal que ce genre de démarche de la police sera surveillé par la Cour de façon rigoureuse, même lorsqu'il est question d'allégations de terrorisme.»

La GRC a publié un communiqué de presse, vendredi, indiquant qu'elle examinait la décision de la Cour suprême. Aucune mention de possibles modifications ou d'éventuels réajustements des pratiques n'a été faite.

L'avocat de la Couronne, Peter Eccles, a dit craindre que le jugement ait pour effet de miner la capacité des autorités à prévenir ou interrompre les risques d'actes terroristes par des opérations d'envergure. «Comme nous avons pu le voir au cours des six dernières semaines, les loups solitaires représentent indéniablement le plus gros défi», a-t-il fait valoir.

L'avocat de la défense, Mark Jette, a pour sa part rejeté la pertinence de telles inquiétudes. «On serait porté à croire qu'une organisation comme la GRC essaierait de tirer des leçons d'un tel jugement», a-t-il ajouté.