Les trois hommes qui ont été condamnés la semaine dernière pour fraude dans l'affaire Cinar sont de retour en Cour afin de tenter de convaincre le juge de leur donner la peine la plus clémente possible.

Les avocats de Ronald Weinberg, Lino Matteo et John Xanthoudakis ont ainsi entamé lundi l'étape ultime du procès, soit celle des observations sur la peine.

Le trio a été condamné par un jury jeudi dernier dans cette affaire criminelle de fraude de quelque 120 millions, après un procès qui a duré deux ans.

Ils pourraient écoper de 10 ans de prison.

M. Weinberg, le fondateur de Cinar, et son ancien directeur financier Hasanain Panju ont détourné des fonds appartenant à l'entreprise dans des portefeuilles de placement - sans l'autorisation du conseil d'administration de Cinar - afin de s'enrichir. L'argent a ensuite été camouflé aux Bahamas, avec l'aide de John Xanthoudakis, le PDG de Norshield, et de Lino Matteo, PDG de la firme d'investissement Mount Real.

La fraude s'est produite entre août 1998 et mars 2000. Les quatre hommes avaient été arrêtés en 2011, après une longue enquête menée par la Sûreté du Québec au Canada, aux États-Unis et aux Bahamas.

Ils viennent d'être déclarés coupables de la majorité des chefs d'accusation qui avaient été portés contre eux, dont fraude, usage de faux documents et emploi de documents contrefaits. Leurs avocats pourraient en appeler du verdict.

Les représentations des avocats sur la peine devraient durer toute la semaine.

Les trois hommes sont incarcérés depuis leur condamnation de jeudi. Ils ont été amenés, menottés, lundi dans le box des accusés, dans une salle du palais de justice de Montréal.

L'avocate de Ronald Weinberg, le fondateur de la maison de production Cinar, qui a notamment créé des émissions de télévision pour enfants comme la série Caillou, a annoncé qu'elle allait faire entendre au moins six témoins.

Eric Weinberg a été le premier à témoigner en faveur de son père.

Il a relaté comment celui-ci s'était impliqué au sein du conseil d'administration et lors de campagnes de financement d'une école spécialisée du Vermont où il a étudié quand il était enfant, car il est atteint de dyslexie sévère. Son père a assuré la survie de cette école, a-t-il soutenu.

Il a souligné à maintes reprises à quel point son père avait une passion pour aider les autres et que toute sa vie était guidée par ce désir.

«Il faisait toujours passer les autres en premier», a soutenu Eric, en anglais.

Eric et son frère Alex ont tous deux relaté à quel point Ronald Weinberg est un bon père.

«Il n'y a aucun doute pour moi que cet homme pourrait continuer à travailler, à être un leader, à offrir de l'aide pour le bien de l'humanité comme il le faisait auparavant», a déclaré Eric. Que son père ne produise plus de dessins animés est une perte pour lui, mais aussi pour «des millions de personnes», juge-t-il.

Ronald Weinberg a tout écouté d'un air triste, mais calme.

Il a essuyé ses yeux après le témoignage de sa soeur, qui a déclaré qu'il est son «idole», un homme d'une grande empathie, pour qui il était important «d'améliorer le monde autour de soi».

La Couronne n'a posé aucune question à ces témoins.

De son côté, Lino Matteo va se représenter seul. Le juge l'a bien averti qu'il allait être désavantagé s'il n'était pas assisté d'un avocat, mais M. Matteo a répondu qu'il n'avait pas le choix.

Il s'est plus tard levé pour demander au juge qu'on lui retire ses menottes afin qu'il puisse au moins prendre des notes. Le juge le lui a accordé, mais il est demeuré enchaîné au niveau des chevilles.

La salle débordait et tous n'ont pu entrer. De nombreuses victimes des fraudes financières de Norshield et de Mount Real se sont vu refuser l'accès par une manoeuvre de l'une des proches de M. Weinberg qui a décidé d'elle-même que la famille de celui-ci avait priorité. Le palais de justice a finalement ouvert une autre salle avec diffusion vidéo pour ceux qui n'avaient pu entrer.

Ronald Weinberg a été reconnu coupable jeudi dernier de neuf chefs de fraude, d'emploi de documents contrefaits, d'usage de faux documents et de faux prospectus, mais a toutefois été blanchi de sept accusations. Lino Matteo a été acquitté de deux chefs, mais reconnu coupable de neuf chefs de fraude, d'usage de documents contrefaits et de fabrication de faux documents. Quant à John Xanthoudakis, il a été reconnu coupable de 17 chefs de fraude et de fabrication de faux documents financiers et d'investissement.

Outre ces trois hommes, il y avait au départ un autre accusé, soit M. Panju. Il a plaidé coupable avant le procès et écopé de quatre ans de prison. Il a témoigné pour la Couronne lors du procès qui s'est conclu la semaine dernière.