Au premier jour des plaidoiries finales, lundi à Ottawa, la Couronne a soutenu que Mike Duffy avait pris certaines libertés avec les faits, mais aussi avec l'argent des contribuables dans le but de sauvegarder sa réputation.

Le sénateur de 69 ans a plaidé non coupable à 31 chefs d'accusation de fraude, d'abus de confiance et de corruption. Pour sa défense, M. Duffy a soutenu que les règles entourant les frais de dépenses au Sénat étaient imprécises et mal administrées.

Mais son refus d'admettre toute responsabilité dans cette saga en dit long sur sa crédibilité, a plaidé lundi le procureur de la Couronne Jason Neubauer. Son collègue Mark Holmes a aussi suggéré au juge Charles Vaillancourt de prendre avec un énorme grain de sel le témoignage du sénateur. M. Duffy, a-t-il dit, s'est souvent contredit, éludait des questions embarrassantes et même, de son propre aveu, avait tendance à exagérer certains faits lorsqu'il était animateur à la télévision.

Un argument sur la crédibilité du témoin qui a été réfuté, plus tard lundi, par la défense: le fardeau de la preuve ne repose pas sur M. Duffy, a plaidé Donald Bayne. Le doute raisonnable doit naître de la seule preuve de la poursuite, et non du témoignage de l'accusé.

Le procureur Neubauer avait par ailleurs expliqué plus tôt pourquoi le sénateur Duffy avait été accusé de fraude et de corruption pour avoir accepté de l'argent, alors que ceux qui le lui ont remis ne sont pas embêtés par la justice. Il a plaidé que le sénateur avait gardé le contrôle sur tout le stratagème qui prévoyait que le chef de cabinet du premier ministre, Nigel Wright, lui remettrait 90 000 $ pour rembourser des réclamations inadmissibles.

Me Neubauer a ainsi soutenu que le sénateur Duffy voulait approuver le «message médiatique» dans cette affaire. Il voulait aussi s'assurer qu'il conserverait son siège et qu'il ne ferait pas l'objet de l'audit externe sur les dépenses des sénateurs.

Contrat de services

Plusieurs des chefs d'accusation de fraude sont liés au contrat de services de 65 000 $ octroyé à la compagnie de son vieil ami Gerald Donahue et approuvé par le Sénat. En fait, on a appris au procès que cette somme avait ensuite été utilisée pour payer divers services sans passer par le Sénat - maquilleuse professionnelle, entraîneur personnel, collaboratrice qui croyait être bénévole.

Le procureur Holmes a qualifié ce stratagème de caisse occulte, mise sur pied dans le but précis de contourner les règles de dépenses à la chambre haute. Il a soutenu que le Sénat faisait de son mieux avec les réclamations de M. Duffy - il en a d'ailleurs rejeté quelques-unes, et ce sont ces refus, selon le procureur, qui ont mené le sénateur à créer cette caisse occulte.

Mike Duffy avait aussi réclamé des frais de logement pour une «résidence secondaire» à Ottawa en se déclarant résidant permanent de l'Île-du-Prince-Édouard, alors que l'ancien courriériste parlementaire habitait la capitale nationale depuis des années.

D'autres doutes ont aussi été soulevés au procès sur certaines activités partisanes de Mike Duffy - aux frais des contribuables, puisque le sénateur facturait le Sénat pour certains de ces déplacements.

Deux semaines avaient été retenues pour les plaidoiries finales, mais elles pourraient se terminer dès mardi, avec la suite de la plaidoirie de la défense. Le procès, devant juge seul, avait débuté en avril dernier et les témoignages ont duré 61 jours.