Officiellement, ils venaient participer à une compétition de lutte. Mais aucun des 17 Congolais débarqués à l'aéroport de Montréal, en juin, ne s'y est présenté. Ils ont pratiquement tous demandé le statut de réfugié.

Deux ressortissants congolais ont plaidé coupables à des accusations d'« organisation d'entrée illégale au Canada », lundi, au palais de Justice de Montréal.

Bernard Mulweme Mbo et Sandokan Tenda Nsimba, respectivement secrétaire général et entraîneur à la Fédération congolaise de luttes associées, sont arrivés à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau le 20 juin dernier en compagnie de 15 autres Congolais.

Tous avaient obtenu leur visa de séjour en prétendant vouloir se rendre à la Coupe Canada 2015 de lutte internationale, à Guelph, en Ontario. Or, aucun ne s'y est rendu, l'événement étant par ailleurs pratiquement terminé.

Qui plus est, seulement 5 des 15 participants gravitaient réellement dans le milieu congolais de la lutte.

Parmi les autres figuraient trois personnes ayant des « problèmes politiques » et au moins quatre autres étaient « en détresse », notamment des victimes de viols.

Les 15 Congolais ont tous présenté, depuis, une demande de statut de réfugié aux autorités canadiennes, requête sur laquelle la condamnation des passeurs les ayant fait entrer au pays n'aura aucune incidence.

« C'est la nature même de la revendication du statut de réfugié de chercher à entrer [au pays], par contre, il est également important pour les gens qui viennent au Canada d'être francs à leur arrivée et de venir solliciter la protection le plus rapidement possible. », a dit Me Caroline Cloutier, procureure de la Couronne fédérale.

En leur obtenant une lettre d'invitation pour cette compétition de lutte, Bernard Mulweme Mbo s'est rendu coupable d'avoir fait des fausses déclarations et d'avoir facilité l'entrée illégale de ces 15 personnes sur le territoire canadien.

Implication politique

Bernard Mulweme Mbo et Sandokan Tenda Nsimba ont été arrêtés le 14 juillet, dans la zone internationale de l'aéroport de Montréal, alors qu'ils s'apprêtaient à repartir pour Kinshasa, la capitale congolaise.

Les deux responsables de la fédération de lutte ont affirmé aux enquêteurs que les passagers qui ne faisaient pas partie de leur organisation avaient été « recommandés » par un homme politique.

Une femme qui faisait partie du groupe a d'ailleurs affirmé avoir payé un homme du service du protocole du ministère congolais de la Jeunesse pour obtenir des vêtements de sport et faciliter son départ.

Ce témoignage est la seule preuve d'un échange d'argent présentée par la poursuite.

Bernard Mulweme Mbo a affirmé aux enquêteurs ne pas avoir été rémunéré pour organiser ce voyage, qu'il a plutôt fait pour des « motifs humanitaires ».

Peu de précédents

Au Québec, il est très rare que des passeurs tentent de faire entrer illégalement des groupes de 10 personnes et plus, un crime pour lequel le Code criminel prévoit de lourdes peines.

Dans le reste du Canada, le précédent le plus médiatisé a été l'affaire du Sun Sea, un cargo qui avait débarqué près de 500 réfugiés sri lankais tamouls à Vancouver, en août 2010.

En échange du plaidoyer de culpabilité des deux accusés, qui évite la tenue d'un procès, et en raison de la « collaboration limitée de certains témoins », a expliqué Me Cloutier, la Couronne et la Défense ont convenu d'accusations réduites à l'organisation de l'entrée d'un groupe de moins de 10 personnes, un crime puni moins sévèrement.

La juge Manon Ouimet s'est ainsi rendue à la suggestion et a condamné Sandokan Tenda Nsimba à huit mois d'incarcération.

Bernard Mulweme Mbo a été quant à lui condamné à un an et deux semaines d'emprisonnement, en raison de son rôle plus important dans l'affaire.

Ces peines « reflètent la dissuasion nécessaire à ce type d'infraction », a estimé Me Cloutier à la sortie de l'audience.

Les deux hommes ne sont pas admissibles à une libération au tiers de la peine, l'objectif n'étant pas de faciliter leur réhabilitation dans la société, puisqu'ils seront renvoyés en République démocratique du Congo à leur sortie de prison.

Ils sont toutefois admissibles à une libération aux deux tiers de leur peine.