Les deux hommes reconnus coupables d'accusations de terrorisme pour avoir tenté de faire dérailler un train de passagers de Via Rail, Raed Jaser et Chiheb Esseghaier, ont été condamnés à la prison à vie par un juge, qui a déterminé qu'aucun des deux n'éprouvait de remords.

Le juge Michael Code avait prononcé en mars Jaser et Esseghaier coupables de huit chefs d'accusation.

M. Code avait jugé que les deux accusés n'avaient pas renoncé à leurs croyances extrémistes ni exprimé de remords, et que leurs chances de réhabilitation étaient discutables.

«Je suis satisfait que la prison à vie soit la sentence appropriée», a dit le juge, ajoutant que le temps déjà passé en détention serait déduit de leur peine. Les deux ne seront pas admissibles à la libération conditionnelle jusqu'en 2023.

Durant l'audience, Raed Jaser secouait la tête, a fermé les yeux à un certain moment et s'est pris le visage dans une main lorsque sa sentence a été énoncée.

Son coaccusé semblait nonchalant, les bras croisé et le dos contre le mur du banc des accusés alors que le juge lisait la décision de 53 pages.

«La sentence à vie ne signifie rien pour moi», a-t-il dit au juge après qu'il a lu la sentence.

La Couronne, qui demandait des sentences à vie pour les deux, a exprimé sa satisfaction plus tard, mercredi.

«Un message a été clairement lancé aujourd'hui, a déclaré le procureur de la Couronne Croft Michaelson. Ce message est que si vous commettez des crimes terroristes au Canada, avec l'intention de tuer des gens sans discernement, le prix à payer sera très élevé.»

L'avocat de Raed Jaser s'est désolé de l'issue du procès et avait déjà les instructions de procédures d'appel pour la condamnation et la sentence de son client.

«Nous trouvons cela excessif», a dit John Norris de la peine, ajoutant que son client était «abasourdi».

Me Norris avait suggéré une peine de cinq ans et demi et avait soutenu qu'il y avait des facteurs atténuants dans le dossier de son client, notamment qu'il avait été piégé et victime de ségrégation durant sa détention préventive, et qu'il était toxicomane. Ces arguments ont été rejetés au prononcé de la peine.

«De façon générale, M. Jaser m'apparaît comme un homme intelligent, sournois et non digne de confiance. Il n'a pas encore accepté la responsabilité des crimes, ni exprimé de remords, ni renoncé à ses croyances violentes et racistes», a déclaré le juge Code.

Dans le cas d'Esseghaier, un avocat nommé par le tribunal pour assister l'homme d'origine tunisienne, qui se représentait lui-même, avait demandé à M. Code de retarder la condamnation jusqu'à ce que les résultats d'évaluations psychiatriques soient finaux. Le juge a refusé et expliqué qu'il n'y avait aucun lien de cause à effet entre l'état psychologique de l'accusé et son comportement au moment des crimes.

«La preuve démontre très clairement qu'il n'était pas délirant ni psychotique au moment du crime. Ça n'est jamais arrivé d'ajourner une audience de détermination de la peine pour attendre un traitement.»

Deux psychiatres qui ont évalué l'état psychologique d'Esseghaier au cours de l'audience de détermination de la peine avaient conclu qu'il souffrait probablement d'une maladie mentale. L'un des deux croyait toutefois qu'il était apte à recevoir et purger sa peine.

Esseghaier est très croyant et pieux, et a répété, au début des procédures, qu'il voulait être jugé en vertu de la loi du Coran. Il s'est souvent emporté en discours incohérents, priait parfois sur le banc des accusés. Son état psychologique n'est toutefois entré en question qu'après les évaluations psychiatriques, avec lesquelles il est en profond désaccord.

Lors d'une séance, il a même craché sur les avocats et a lancé un verre d'eau à travers la salle du tribunal après que le second psychiatre eut témoigné qu'il était probablement schizophrène.

Le juge considère néanmoins qu'il n'est pas nécessaire d'offrir de conclusion ferme à ce sujet, mais a répété ce qu'il avait dit pour Jaser: Esseghaier n'éprouve aucun remords.

L'avocat qui l'a accompagné durant le procès a affirmé que la manière dont le juge avait traité la preuve de maladie mentale serait «un enjeu» si la cause se rendait en appel.

Au moment de son arrestation, en avril 2013, Esseghaier était doctorant à l'UQAM. Il travaillait et étudiait alors à l'Institut national de la recherche scientifique à Varennes, en Montérégie.

Cette affaire s'est déclenchée après qu'un agent du bureau américain d'enquête fédérale (FBI) a gagné la confiance des deux hommes et a enregistré leurs conversations. Ces bandes audio ont constitué l'essentiel de la preuve. Les deux accusés y parlaient de complot terroriste pour répliquer à la participation militaire du Canada dans les pays musulmans. Ils planifiaient notamment de faire dérailler un train Via entre New York et Toronto.