Pendant que le procès de Mike Duffy prenait une pause, mercredi, Thomas Mulcair a soutenu que toute la question du lieu de résidence du sénateur conservateur suspendu se résumait finalement à une chose: le premier ministre a simplement tenté de sauver la face.

Le chef de l'opposition répondait ainsi à ce que La Presse Canadienne écrivait cette semaine, citant une source bien informée: Stephen Harper aurait insisté pour que Mike Duffy soit sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard, et non de l'Ontario - comme le souhaitait pourtant le courriériste parlementaire, puisqu'il y possédait déjà sa résidence principale depuis des années.

M. Duffy, qui a grandi dans l'île, a ensuite décidé de rénover une petite maison qu'il possédait là-bas. Il a aussi désigné comme «résidence secondaire» sa maison d'Ottawa, ce qui lui permettait alors de réclamer des indemnités de séjour lorsqu'il habitait chez lui dans la capitale.

En vertu de la Constitution, un sénateur doit posséder une propriété d'une valeur d'au moins 4000 $ dans la province qu'il représente, et il doit aussi y être «résidant». Au début de 2013, lorsque l'affaire a commencé à faire les manchettes, le cabinet du premier ministre a mis toute son énergie pour balayer les questions sur l'admissibilité constitutionnelle des sénateurs conservateurs.

«Depuis le début de cette affaire Mike-Duffy/Stephen Harper, on avait du mal à comprendre qui exactement Stephen Harper voulait protéger», a lancé le chef néo-démocrate, mercredi, devant les journalistes. «On réalise maintenant que Stephen Harper ne voulait que protéger Stephen Harper, évidemment.»

Un porte-parole du premier ministre, Stephen Lecce, a refusé mercredi de commenter une affaire qui est actuellement en cours d'instance. Par ailleurs, une autre source chez les conservateurs a nié que M. Duffy ait soulevé des doutes sur son admissibilité comme sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard au moment de sa nomination.

M. Harper a déjà indiqué que les sénateurs doivent signer une déclaration dans laquelle ils attestent de leur admissibilité, et que cela suffit. «Cette pratique constitutionnelle est claire depuis 150 ans», a encore soutenu mercredi son adjoint parlementaire, Paul Calandra, lors de la période de questions aux Communes.

La déclaration en question ne fait cependant aucune référence au lieu de résidence du sénateur.

Par ailleurs, le procès de M. Duffy pour fraude, corruption et abus de confiance a été ajourné, mercredi, afin que les avocats se préparent à débattre de l'admissibilité en preuve d'un rapport du Sénat. Le juge Charles Vaillancourt entendra les arguments des avocats lundi dans le cadre d'une procédure appelée «voir-dire», qui constitue en quelque sorte un mini-procès à l'intérieur du procès principal.

Donald Bayne, l'avocat de M. Duffy, souhaite qu'un rapport d'un comité sénatorial de 2010 soit admis comme un fait établi lors du procès. Ce rapport s'appuyait sur un audit externe des dépenses des bureaux des sénateurs et de leurs contrats de service. Le cabinet Ernst and Young concluait alors que certaines politiques administratives au Sénat étaient désuètes, inadéquates ou même inexistantes. Les vérificateurs concluaient aussi que sur certaines questions, les directives du Sénat étaient mal communiquées par l'administration et/ou mal comprises par les usagers.

La Couronne ne veut pas que ce rapport soit traité comme un fait établi mais plutôt comme un avis d'experts - une distinction qui sera importante lorsque le juge analysera toute la preuve produite au procès.

Cette pause imprévue va retarder davantage le procès, qui devait déjà dépasser de quelques semaines sa durée de 41 jours initialement estimée.