Détenu depuis 12 ans, l'ancien financier des Nomads, défunt groupe d'élite des Hells Angels, a obtenu une première victoire devant les commissaires fédéraux aux libérations conditionnelles ce matin. Après trois tentatives en près de deux ans, André Chouinard, 56 ans, pourra finalement effectuer des sorties mensuelles sans escorte de 72 heures au sein de sa famille.

«Lorsqu'on parle d'empathie, oui il y a les victimes de la guerre des motards et de la drogue. Mais j'ai aussi une victime directe de ma criminalité qui est à mes côtés depuis 12 ans, et qui en souffre», a dit l'ancien motard au sujet de sa conjointe qui a assisté à l'audience.

Face à des commissaires, dont un en particulier, qui n'entendaient pas être complaisants, Chouinard a dû se montrer très persuasif pour bénéficier de ce premier élargissement depuis sa condamnation à 20 ans et deux mois de pénitencier pour gangstérisme, complot pour meurtre et trafic de stupéfiants, à la suite de son arrestation dans l'opération Printemps 2001.

Pente abrupte à remonter

Les commissaires ont tôt fait de lui rappeler le rôle important qu'il a joué à la «table des six» (l'exécutif des Nomads) durant la guerre des motards qui a fait 165 morts, 185 blessés et 16 disparus, selon l'ancien expert de la SQ, Guy Ouellette. 

Chouinard, qui avait un contact dans un pays producteur de cocaïne, amenait au club beaucoup d'argent qui servait en partie à financer la guerre. C'est lui qui était responsable de la fameuse cache d'argent des Hells Angels sur la rue Beaubien où même des mafiosi ont été vus par les policiers à l'occasion.

«Vous partez de loin», a souligné le commissaire Jacques Bouchard.

«Oui, mais ça fait 12 ans que je travaille là-dessus», a répondu Chouinard.

«Je m'écoeure et je me hais», a dit l'ancien motard au sujet des victimes. «Je ne regardais plus la télé, je ne lisais plus les journaux. J'avais des hauts le coeur», a-t-il ajouté au sujet de la guerre qui a motivé son départ des Hells Angels en 2000, après cinq ans de loyaux services.

Depuis sa condamnation, Chouinard a effectué plus de 300 sorties avec escortes. Tous les jours, de 8h30 à 16h30, il effectue du bénévolat pour un organisme qui vient en aide aux enfants handicapés et aux anciens combattants. 

Ce travail qui le confronte à la détresse humaine et ses rencontres avec une psychologue l'ont beaucoup changé, dit-il.

«J'avais le choix de me fermer les yeux et passer par-dessus, mais aujourd'hui, je confronte la souffrance et le désarroi. J'ai détruit des vies et je le réalise à tous les jours», dit Chouinard, qui se dit contre toutes les drogues, y compris la marijuana.

Simple manoeuvre

L'ancien motard sera libéré d'office aux deux tiers de sa peine en 2017. 

Une fois libéré, il veut devenir simple manoeuvre et travailler avec un proche qui est menuisier. «Je veux redevenir un père et un mari. À 56 ans, je n'ai plus d'ambition. Je veux travailler à un salaire décent, c'est tout. Je n'ai plus besoin d'une autre image», a-t-il conclu.

«Vous vous êtes impliqué (dans la réhabilitation). Est-ce que c'est parfait ? Non. Est-ce que vous avez encore du travail à faire ? Oui. Mais vous avez aujourd'hui un bulletin qui est à la hauteur de ce que l'on attendait de vous après la dernière audience», a statué le commissaire Bouchard, en acceptant la demande du détenu.

Durant ses 72 heures de liberté par mois, Chouinard ne pourra fréquenter aucun individu ayant un casier criminel ou des liens avec des organisations, et aucun débit de boisson ou café italien.

La Sûreté du Québec considère que Chouinard n'est plus membre des Hells Angels depuis 2000.

Depuis un peu moins de deux ans, six anciens Nomads ont obtenu leur libération d'office. 

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