Au terme d'un très long procès, qui s'est déroulé par à coups, la naturopathe Mitra Javanmardi a été acquittée, mercredi matin, à Montréal, des accusations d'homicide involontaire et négligence criminelle ayant causé la mort d'un patient qu'elle avait traité, le 12 juin 2008.

Les actes posés n'étaient pas objectivement dangereux et Mme Javanmardi a pris les précautions nécessaires en s'approvisionnant dans une pharmacie avec de hauts standards de qualité, a notamment évalué la juge Louise Villemure. 

Roger Matern, 84 ans, est mort quelques heures après avoir reçu une injection vitaminique de L. Carnitine, que lui avait administrée Mme Javanmardi. En fait, c'est une bactérie présente dans la fiole, Pantoea, qui aurait provoqué un choc cardiogénique ou endotoxique chez M. Matern. L'homme a reçu l'injection qui devait améliorer sa santé sur l'heure du midi, dans la clinique où oeuvrait Mme Javanmardi. Il a présenté des symptômes peu après l'injection, passant du chaud au froid. Il a quitté l'endroit entre 15h et 16h. Son état s'est dégradé une fois rendu chez lui, mais il refusait d'aller à l'hôpital. Sa famille a décidé de le faire transporter quand même à l'hôpital St-Luc, vers 4h la nuit du 13. L'homme était dans le coma et ne répondait à aucun stimulus à son arrivée. Bien que les soins à l'hôpital aient donné quelques signes encourageants, l'homme est mort dans l'avant-midi.

La poursuite reprochait à Mme Javanmardi d'avoir exécuté un acte médical sans avoir reçu la formation ni avoir les connaissances requises. Au Québec, il n'y a pas de loi qui réglemente la naturopathie, contrairement à l'Ontario, où la profession est réglementée.

Formation

Après avoir obtenu un baccalauréat en sciences de l'Université McGill, Mme Javanmardi a fait des études de doctorat au National College of Naturopathic Medecine, en Oregon. Elle a obtenu son diplôme en 1985, après 4 ans d'études. Elle a aussi obtenu un diplôme de l'Homeopatic Academy Of Naturopathic Physicians, et a suivi d'autres formations. Elle a ouvert sa clinique en 1985. La juge Villemure précise dans son jugement qu'au Québec, aucune différence n'est faite entre une formation de cinq heures et une formation universitaire de quatre ans, puisque la profession n'est pas réglementée.

M. Matern s'était tourné vers le traitement donné par Mme Javanmardi, parce que la médecine traditionnelle ne parvenait pas à régler ses problèmes de santé, notamment de l'eau sur les poumons. Mme Javanmardi estimait qu'une injection de nutriments pourrait aider le patient. 

La juge estime que Mme Javanmardi avait les compétences requises pour administrer l'injection et qu'elle a pris les précautions nécessaires, bien que la loi québécoise ne l'autorisait pas à le faire. Depuis 1992, elle a traité dix patients par semaine par intraveineuse. La juge conclut par ailleurs que la poursuite n'a pas prouvé hors de tout doute que Mme Javanmardi a commis un homicide involontaire ou une négligence criminelle causant la mort.

Me Geneviève Dagenais, qui officiait pour la Couronne dans cette affaire, a indiqué vouloir étudier le jugement plus à fond, avant de parler d'un éventuel appel.

Me Isabel Schurman, qui représentait Mme Javanmardi, évalue que cette affaire a été longue et triste pour tout le monde. Elle a dit espérer que c'était la fin.

Gabrielle Matern, fille du défunt, est déçue du jugement. «Justice n'a pas été rendue. Nous avons de la difficulté à comprendre. Mon père est mort quelques heures après être sorti de son bureau. Elle a exécuté un acte illégal, et elle est acquittée. Nous ne comprenons tout simplement pas», a-t-elle dit.