Le fait de réciter une prière au conseil municipal de Saguenay est parfaitement conforme aux valeurs et traditions canadiennes et c'est aux non-croyants de s'y adapter, a plaidé l'avocat de la ville à la Cour suprême du Canada mardi.

Après avoir entendu les arguments des partis en matinée, le plus haut tribunal du pays a pris en délibéré cette cause qui pourrait avoir une incidence importante sur les pratiques religieuses dans des institutions politiques à travers le pays.

Le Mouvement laïque québécois affirme que la prière récitée avant les délibérations du conseil, de même que la présence d'un crucifix et d'une statue du Sacré-Coeur, contreviennent à la liberté de conscience et de religion d'un ancien résident de la ville, Alain Simoneau.

M. Simoneau « ne s'objecte pas à ce que le maire, dans son bureau privé, ait le crucifix. Il ne s'objecte pas à ça. Ça regarde la personne du maire et il a certainement le droit de pratiquer sa religion comme il l'entend. Mais il n'a certainement pas le droit de l'imposer à d'autres par ce genre d'exercice de culte public qu'il fait à l'ouverture des séances du conseil municipal », a plaidé l'avocat du Mouvement laïque, Me Luc Alarie.

L'avocat de la Ville de Saguenay a affirmé qu'au contraire, le lien entre la suprématie divine et les institutions politiques est bien réel au Canada et les pratiques du conseil municipal, officialisées dans un règlement en 2008, s'inscrivent dans cette tendance.

« L'État canadien n'est pas athée. L'État canadien, dans le préambule de la Constitution, indique qu'il est fondé sur la suprématie de Dieu et la primauté du droit », a fait valoir Me Richard Bergeron.

Il revient donc à « chaque non-croyant canadien » de « tolérer cet état de fait », a ajouté Me Bergeron dans son mémoire.

La décision de la Cour suprême, qui devrait être rendue d'ici quelques mois, pourrait avoir des conséquences importantes à travers le pays. En Ontario par exemple, plusieurs conseils municipaux font déjà face à des recours judiciaires en raison de la prière qu'ils récitent. Les recours ont été suspendus en attendant l'issue du dossier québécois.  

Même à la Chambre des communes, les députés fédéraux récitent une prière, de laquelle se sont d'ailleurs inspirés les politiciens saguenéens en adoptant un nouveau texte en 2008.

« Mon client n'est pas confortable avec la prière du Parlement. Ça envoie un message à ceux qui ne croient pas en une divinité qu'ils sont extérieurs au cercle des croyants au Parlement », a d'ailleurs reconnu l'avocat de l'organisme Canadian Secular Alliance en Cour mardi.

D'autres groupes sont intervenus devant les juges, incluant le Evangelical Fellowship of Canada qui a indiqué qu'interdire la prière dans un conseil municipal contreviendrait au principe de la neutralité de l'État, puisque la Cour favoriserait l'option laïque plutôt que l'option religieuse.

Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, qui est poursuivi conjointement avec sa ville, a assisté aux audiences et s'est dit confiant d'avoir gain de cause. « C'est très lourd de conséquences, mais les juges le savent aussi bien que moi. Alors je me fie à leur bon jugement. »

M. Tremblay s'est dit surpris que l'affaire ait pris une telle ampleur. Il affirme que près de 400 000 $ ont été investis dans la défense, dont plus des trois quarts proviennent d'une cueillette de fonds.