Il n'y avait pas lieu de se précipiter. L'appel au 911 était enregistré pour un «trauma mineur» chez une enfant de 6 ans. Mais c'est un tout autre portrait que les ambulanciers ont vu en arrivant dans un logement de la 23e Avenue à Lachine, le 1er juillet 2008.

La petite fille, qui était «encastrée» dans un futon, n'était pas alerte et montrait des signes de difficultés neurologiques, a résumé Carl Talbot, paramédical d'Urgences-santé, hier, alors qu'il témoignait à l'enquête préliminaire d'un père de famille.

L'homme de 38 ans, qu'on ne peut nommer en raison d'une ordonnance de non-publication, est accusé du meurtre non prémédité de sa fille et de ne pas lui avoir fourni les choses essentielles à la vie.

Le ministère public croit que la petite a été secouée vigoureusement par son père et que celui-ci a tardé à appeler les secours par la suite. La petite, qui présentait de graves saignements au cerveau, est morte quatre jours après son arrivée à l'hôpital. Or, des accusations n'ont été portées contre l'homme que quatre ans plus tard, soit en 2012.

Appel au 911

L'accusé, qui gardait ses trois enfants à l'époque, a appelé le 911 à 11h25 le matin du 1er juillet 2008. Il a dit que sa fille aînée était tombée du lit à deux étages, la veille.

«Elle vomit, vomit, vomit. Son corps est dur, elle ne bouge pas. Elle est réveillée, elle respire, elle ne saigne pas», a expliqué le père à la préposée du 911. À la lumière des réponses du père, le cas a été classé comme non urgent. «On avait un délai de 20 minutes pour s'y rendre, mais on n'était pas loin. On était là en 10 minutes», a raconté l'ambulancier Talbot.

À leur arrivée, lui et son collègue ont tout de suite constaté que la petite n'était pas alerte. Elle regardait à gauche, était incontinente et avait les bras ramenés sur elle, signe de problèmes neurologiques. «Son état me faisait très très peur», a dit M. Talbot. Les ambulanciers ont demandé au père de monter dans l'ambulance avec sa fille, puisque son jeune âge exigeait la présence d'un adulte, mais il a refusé. Il a répondu qu'il devait s'occuper de ses autres enfants. Selon M. Talbot, le père ne semblait pas alarmé.

Peu probable

La Dre Lucie Carpineta, experte en radiologie, a pour sa part témoigné qu'il était peu probable qu'une chute ait pu causer les dommages importants que présentait le cerveau de la petite, à son arrivée à l'Hôpital de Montréal pour enfants.

Un voisin a aussi raconté que le père l'avait fait venir la veille, soit le 30 juin, chez lui, pour lui montrer sa fille «qui n'allait pas bien».

La petite était dans le lit, elle avait vomi et ne réagissait pas. «Elle avait l'air morte», a raconté ce voisin, Yannick Séguin, qui n'avait que 15 ans à l'époque.

L'enquête préliminaire du père, qui est présidée par le juge Denis Mondor, doit durer deux semaines. Me Roxane Laporte représente la Couronne, tandis que Me Jean-Marc Tremblay défend l'accusé.