L'ex-caporale Stéphanie Raymond est-elle la victime innocente des pulsions sexuelles d'un supérieur ou une vile calculatrice prête à tout pour «sauver la face»? Un comité formé de cinq militaires aura à trancher la question.

La poursuite et la défense ont livré leur plaidoirie respective, mardi, au procès de l'adjudant André Gagnon, accusé d'agression sexuelle en cour martiale générale à Québec.

La notion de consentement est au coeur de ce procès. La défense prétend que l'adjudant, à la lumière des agissements de la victime alléguée, avait une «croyance sincère, mais erronée» de son consentement à des rapports sexuels.

Au contraire, d'après la poursuite, Gagnon n'a jamais obtenu l'accord de la femme de 30 ans et a fait montre «d'insouciance» ou «d'aveuglement volontaire» pour abuser d'elle le plus possible.

Dans sa plaidoirie au nom de la poursuite, la lieutenante-colonelle Marylène Trudel a fait valoir que l'ex-caporale Raymond n'avait montré aucun signe, que ce soit verbalement ou physiquement, pour laisser croire à Gagnon qu'elle était ouverte à des échanges sexuels le 15 décembre 2011 au manège militaire de Lévis.

L'adjudant Gagnon «a agi de façon unilatérale et de manière de plus en plus intrusive», a déclaré l'avocate, relatant la séquence rapide des gestes reprochés à l'accusé: simples baisers, attouchements sexuels, sexe oral et tentative de pénétration.

En se basant sur des préjugés «sexistes», des «stéréotypes» et l'esprit embué par l'alcool, l'accusé a conclu faussement que la plaignante était consentante puisqu'elle «se laissait faire», a noté la procureure de la poursuite, assistée dans sa tâche par le major Gabriel Roy.

«Ce n'est pas parce que ça se fait avec des baisers, qu'il n'y a pas eu de coups, que ce n'est pas une agression sexuelle», a-t-elle lancé.

Si la plaignante n'a pas repoussé les avances sexuelles de Gagnon, du moins jusqu'à la tentative de pénétration, c'est parce qu'elle était en «position de vulnérabilité» face à un supérieur en grade, a soulevé la lieutenante-colonelle.

Plutôt que de s'assurer de l'accord de la jeune femme, l'adjudant Gagnon a préféré mettre «la pédale sur le gaz jusqu'à ce qu'il frappe un mur», a-t-elle illustré devant le comité de cinq militaires faisant office de jury en cour martiale.

Pour sa part, l'avocat de la défense, Philippe-Luc Boutin, a décrit la victime alléguée comme étant une femme «calculatrice», une «séductrice» qui voulait voir jusqu'où elle pouvait manipuler l'accusé.

«On ne parle pas ici d'une jeune fille de 16-17 ans, on parle d'une femme de 27 ans (en 2011) qui en a vu d'autres», a-t-il évoqué.

Pour la défense, l'ex-commis de la réserve a accepté les avances de Gagnon et son consentement n'a été «ni le fruit de la force, ni le fruit d'un exercice d'autorité».

La plaignante a plutôt été victime, selon l'avocat, de ses choix malavisés et de la perte d'inhibition attribuable à sa consommation d'alcool dans les heures précédant l'incident.

«Ce qu'elle tente de faire, c'est de sauver la face, sa réputation, plutôt que de mettre ses culottes et admettre de mauvais choix qu'elle devait peut-être regretter par la suite», a-t-il dit.

Selon le procureur, l'ex-caporale Raymond a concocté un témoignage sur mesure pour occulter sa responsabilité dans le fil des événements et pour s'afficher «en petite brebis face au méchant loup».

D'ailleurs, a fait remarquer l'avocat de la défense, la plaignante a été fort «pro-active» auprès des médias pour leur raconter sa version édulcorée des faits «au détriment» de l'adjudant Gagnon.

Le major Boutin a invité les membres du comité à se demander «qui avait le pouvoir sur l'autre» dans cette affaire de «party» qui a mal tourné.

La poursuite et la défense s'accordent sur le fait que la plaignante a accompagné l'accusé au manège de Lévis le 15 décembre 2011 après un dîner de Noël au centre-ville particulièrement bien arrosé.

Les versions divergent pour la suite des choses: Gagnon prétend que la jeune femme l'a suivi à l'étage de l'édifice à son invitation alors que cette dernière allègue en avoir reçu l'ordre. Une fois à l'étage, Gagnon affirme que la plaignante est venue s'asseoir à califourchon sur ses parties génitales pendant de longues minutes, ce qu'elle nie.

Les versions concordent de nouveau sur le fait que l'accusé s'est livré à des attouchements, a dévêtu la plaignante presque nue et lui a prodigué un cunnilingus. La plaignante n'a pas retourné les faveurs sexuelles de l'accusé, mais sa résistance a été passive jusqu'à ce qu'elle lui signifie clairement son refus d'avoir une relation sexuelle complète. Les échanges ont pris fin dès ce moment.

Les cinq membres du comité chargé de trancher l'affaire devront maintenant déterminer si Gagnon avait des raisons de croire «sincèrement», bien qu'à tort, que la plaignante avait consenti aux rapports sexuels.

Le juge militaire Mario Dutil a ajourné le procès et donnera ses directives au comité mercredi matin.