Des contradictions, le juge Yves Paradis en a relevé dans le témoignage d'André Ayotte, victime de l'arnaque de black money, au procès de la montréalaise accusée de l'avoir floué. Et c'est sur cette base qu'il a acquitté hier Emma Sophia Biagné.

«Le témoignage de Mme Biagné ne convainc pas le tribunal qu'elle dit la vérité, mais le témoignage du plaignant offre tellement de contradictions qu'il ne peut permettre au tribunal de conclure hors de tout doute raisonnable que les évènements se sont déroulés comme il les a décrits», a dit le juge Paradis.

Les faits reprochés à Emma Sophia Biagné, une mère monoparentale de 33 ans, remontent à octobre 2008. Le plaignant, André Ayotte, avait alors rencontré une certaine «Martine» sur un site de rencontres. André Ayotte et Martine se sont donné rendez-vous le 12 octobre 2008. Emma Sophia Biagné personnifiait Martine. La rencontre s'est bien passée et Martine a proposé un autre rendez-vous le lendemain. Elle voulait lui présenter son frère Patrick, qui arrivait de France le lendemain.

Le lendemain, les trois personnes se sont rencontrées. Patrick a expliqué au plaignant qu'il avait un problème avec ses valises et qu'il avait besoin de 5600$ pour les récupérer. Ses valises contenaient beaucoup d'argent, a-t-il dit tout en lui promettant de le rembourser sur-le-champ.

Le plaignant a accepté de lui donner l'argent. Patrick est alors parti, puis est revenu avec une valise qui contenait des billets tachés. Pour récupérer l'argent, a-t-il expliqué, il faut le «dilater». Il a sorti un produit avec lequel il a frotté quelques billets, qui sont redevenus propres. Il a ainsi lavé entre «400 et 640$».

Pour poursuivre l'opération, Patrick a dit à M. Ayotte qu'il devait se procurer une autre bouteille qui coûte 200 000$ ou une demi-bouteille au coût de 100 000$, a-t-il laissé entendre.

Conscient qu'il était victime d'une fraude, André Ayotte leur a dit que ça ne l'intéressait pas, mais a ajouté que cela pourrait intéresser un ami. Le lendemain, André Ayotte s'est présenté avec un ami (en fait, un enquêteur de police) dans un autre hôtel pour rencontrer Emma Sophia Biagné. Trente minutes plus tard, le policier a arrêté la jeune femme, qui fut accusée de fraude et de complot.

Plus de cinq ans après les événements

En cour, Emma Sophia Biagné a raconté qu'elle avait accepté de personnifier Martine pour rendre service à «Patrick», client au restaurant où elle travaillait. Elle a soutenu n'avoir rien vu de la fraude.

Quant au plaignant, «il a démontré une frustration certaine à répondre à des demandes de précisions au-delà de cinq ans après les évènements», a souligné le juge. André Ayotte a notamment dit à un avocat: «Si vous voulez avoir des détails aussi précis que ça, il faut faire l'audience dans des délais raisonnables, et non cinq ans plus tard.»