L'ancien ministre libéral Tony Tomassi est condamné à 240 heures de travaux communautaires pour avoir commis une fraude envers le gouvernement. Il doit également verser des dons à des organismes de charité.

La juge Hélène Bouillon a accepté la « suggestion commune » de peine présentée par la Couronne et les avocats de M. Tomassi jeudi. L'ancien élu échappe à la prison, puisqu'une fraude envers le gouvernement est passible d'une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement.

La juge a statué que la proposition de la Couronne et de la défense est « raisonnable » et respecte la jurisprudence. Dans sa décision, elle a tenu compte entre autres de la « gravité subjective » des faits reprochés à M. Tomassi, notamment les « dommages causés à la classe politique » et « l'altération de la confiance de la société » à l'égard des politiciens. Par les actes qu'il a commis, M. Tomassi a  jeté « un discrédit sur tous ceux et celles qui exercent une fonction aussi essentielle et importante » que celle de député, a-t-elle ajouté.

Jeudi, Tony Tomassi s'est présenté en cour pour la première fois depuis que des accusations ont été déposées contre lui il y a presque trois ans, le 11 octobre 2011. Il a plaidé coupable à l'un des trois chefs d'accusation, celui de fraude envers le gouvernement. . Entre novembre 2007 et décembre 2008, Tony Tomassi, alors qu'il était député, a « accepté d'une personne en relation d'affaires avec le gouvernement une récompense, un avantage ou un bénéfice ».

Dans les faits, il a reconnu avoir utilisé une carte de crédit que la firme de sécurité BCIA, propriété de son ami Luigi Coretti, a mise à sa disposition. Cette firme avait des contrats avec le gouvernement. M. Tomassi a utilisé la carte à 60 reprises afin de faire le plein d'essence de son véhicule personnel. Ces transactions ont totalisé 6995,31 $. M. Tomassi recevait pourtant une allocation de l'Assemblée nationale pour couvrir ses frais de transport. Il n'a pas demandé d'avis au jurisconsulte de l'Assemblée nationale sur l'utilisation de cette carte de crédit. Il connaissait pourtant l'exigence de solliciter cet avis.

Tony Tomassi n'a prononcé que quelques mots devant la juge, simplement pour dire qu'il reconnaît les faits exposés devant le tribunal. Il a refusé de répondre aux questions des journalistes à la sortie de la salle du tribunal.

La Couronne et les avocats de M. Tomassi - Joseph La Leggia et Pierre Poupart - ont conclu une entente et présenté une « suggestion commune » lors des représentations sur la peine. La juge l'a acceptée. M. Tomassi devra donc faire le maximum d'heures de travaux communautaires prévu à la loi, c'est-à-dire 240 heures. Il devra également verser un remboursement de 2550 $ au ministère des Finances et faire un don de 3000 $ au Centre d'aide aux victimes d'actes criminels. La suggestion commune de la Couronne et de la défense soulignait que M. Tomassi avait déjà pris l'initiative de verser deux autres dons récemment : 3100 $ à la fondation de l'hôpital Sacré-Coeur de Montréal - pour le pavillon Albert-Prévost qui offre des soins en santé mentale - et le même montant à la Fondation Suicide-Action de Montréal. Le remboursement et les dons totalisent 11 750 $.

Devant la juge, Joseph La Leggia avait fait valoir que son client de 43 ans, père de cinq enfants et aujourd'hui gestionnaire immobilier, n'a aucun antécédent judiciaire. La suggestion de peine correspond à tous les critères reconnus par les tribunaux dans de telles affaires, a-t-il ajouté. La procureure de la Couronne Nathalie Chouinard a également fait valoir que la proposition respecte la jurisprudence. Imposer à un ancien ministre le maximum d'heures de travaux communautaires prévu à la loi a une « valeur symbolique » importante, a-t-elle dit. «Les objectifs de dissuasion et d'exemplarité sont rencontrés » avec cette peine. « Le seul fait d'avoir un casier judiciaire, ça ruine la vie en partant », a-t-elle ajouté au cours d'un bref point de presse.

En plaidant coupable, M. Tomassi a évité un procès. À la suggestion des parties, la juge a prononcé un arrêt des procédures sur les deux autres chefs d'accusation qui pesaient contre l'ancien député : l'un d'abus de confiance et l'autre d'avoir touché un avantage de BCIA « en échange de l'influence qu'il aurait pu exercer dans la conclusion d'une affaire avec le gouvernement ».

Pour ces deux chefs, la preuve n'était pas assez solide aux yeux de la Couronne. « On a une preuve hors de tout doute raisonnable à présenter en matière criminelle. Il est du devoir du ministère public, lorsqu'il s'engage dans un procès, d'avoir une conviction raisonnable qu'il pourra obtenir un verdict de culpabilité. Et nous avons jugé que la preuve ne nous permettrait pas d'avoir ce verdict-là », a expliqué Hélène Chouinard.

Le premier ministre Jean Charest avait expulsé Tony Tomassi du caucus libéral en mai 2010, après avoir appris que son député avait utilisé une carte de crédit de BCIA.

Tony Tomassi a démissionné à titre de député le 3 mai 2012 et pouvait recevoir une indemnité de départ de 122 000 $, selon les calculs de la Ligue des contribuables. L'ex-ministre a été blâmé par le commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale pour s'être permis une très longue absence du parlement sans motif valable alors qu'il était député indépendant. Il avait été élu pour la première fois dans La Fontaine en avril 2003.