L'enquêteur-vedette du Service de police de la Ville de Montréal Benoit Roberge assure avoir agi sous «l'influence de menaces et de chantage» réalisés par le Hells Angel René Balloune Charlebois. Le motard criminalisé l'aurait menacé de s'en prendre à sa famille immédiate.

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C'est ce qui l'aurait convaincu de vendre des informations sensibles au motard aujourd'hui décédé.

L'homme de 50 ans a plaidé coupable à deux chefs d'accusation d'abus de confiance et de gangstérisme ce jeudi, tel qu'annoncé en primeur dans La Presse.

L'ancien policier a exprimé aujourd'hui le regret de ne pas en avoir parlé à ses supérieurs dès les premières menaces plutôt que de basculer du côté obscur.

La poursuite et la défense ont recommandé au juge Robert Marchi de lui imposer huit ans de pénitencier. Le juge rendra sa décision le 4 avril.

L'ancien policier a exprimé des remords. «Ma vie a été détruite. Le combat se termine aujourd'hui pour le bien de ma famille», a-t-il dit, l'air penaud et amaigri.

Lorsqu'il s'est adressé au juge Marchi, l'accusé a écorché le témoin principal de la poursuite dans cette affaire - un collaborateur de Balloune Charlebois - dont on ne peut révéler l'identité en raison d'une ordonnance de non-publication.

«Le témoin principal a avoué s'être contredit. Il a causé des dommages irréparables à moi, ma conjointe et mes confrères policiers», a souligné l'accusé au bord des larmes.

Dans une première déclaration faite à la police, ce témoin indique que deux autres policiers ont collaboré avec Roberge. Or, le policier corrompu assure avoir agi seul. La poursuite n'a pas porté d'accusation contre d'autres policiers dans cette affaire. 

Les sommes que Roberge aurait récoltées pour livrer des informations sont également moins élevées que le témoin ne le disait au départ. Elles sont de l'ordre d'environ 125 000$ et non de 500 000$.

Toujours dans sa première déclaration faite à la police, le collaborateur du Hells Balloune Charlebois parlait d'un demi-million. Or, en décembre, le témoin est revenu sur sa déclaration initiale en disant qu'il avait transporté quelque 360 000$ pour le compte de Charlebois sans savoir à qui ces sommes étaient destinées.

Roberge assure avoir touché environ 125 000$. Il en a remis 115 000. En effet, l'ancien policier a décidé la semaine dernière de collaborer avec les enquêteurs. Il les a menés à une cache d'argent qui contenant 94 000$.

Benoit Roberge a nui à plusieurs enquêtes policières en plus de mettre en péril la sécurité d'informateurs de police. 

La poursuite calcule qu'il a fait perdre plus d'un million aux contribuables, dont 400 000$ dans un seul projet d'enquête qu'il a fait capoter. Des criminels sous enquête ont échappé à la police lors d'opération d'envergure après avoir reçu des informations du policier corrompu. 

«Il (Roberge) savait très bien ce que le crime organisé allait faire avec ces informations», a plaidé le procureur de la Couronne, Maxime Chevalier. Il ne s'agissait pas «d'un geste impulsif et unique», a-t-il renchéri.

Dans son résumé des faits, la poursuite n'a pas mentionné les menaces dont Roberge affirme avoir fait l'objet. «La véritable motivation de l'accusé nous échappe», a dit la poursuite.  

Roberge est détenu depuis son arrestation en octobre. Il était déjà prévu qu'il revienne en cour aujourd'hui pour fixer une date pour la suite des procédures. Il en a plutôt profité pour annoncer son intention de régler son dossier.

Au départ, M. Roberge était accusé de gangstérisme, d'abus de confiance, d'entrave à la justice et d'entrave au profit d'une organisation criminelle. La poursuite a laissé tomber deux accusations en échange d'une reconnaissance de culpabilité.

Déjà, le mois dernier, le procureur de la poursuite a fait un amendement à la dénonciation afin de circonscrire les faits sur une période de cinq mois seulement, soit entre le 1er octobre 2012 et le 1er mars 2013. Auparavant, ils se rapportaient à la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 6 octobre 2013.

Rappel des faits

L'ancien policier spécialisé dans le crime organisé a livré des informations sur des enquêtes en cours au Hells René Balloune Charlebois alors que ce dernier purgeait une peine dans une prison à sécurité minimum. Le motard s'est évadé le 14 septembre dernier. Il s'est suicidé deux semaines plus tard dans un chalet de Sorel. Il a enregistré à l'insu de Roberge certaines conversations incriminantes qui sont ensuite tombées entre les mains de la police. Benoit Roberge a par la suite été piégé par un agent double qui lui a offert de lui vendre les enregistrements.

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Benoît Roberge en 2000.