Après la pétarade de coups de feu, quand il a «entendu le silence» dans la boutique Flawnego, Frédéric Louis a «pris la chance» de sortir de la salle de bains où il s'était réfugié. Atteint de plusieurs projectiles, M. Louis est monté dans sa voiture et s'est rendu seul à l'hôpital.

C'est ce que Frédéric Louis, 33 ans, a raconté hier, alors qu'il témoignait au procès des trois hommes accusés d'être les auteurs de cette fusillade qui a fait deux morts et deux blessés, le 18 mars 2010, dans la boutique de vêtements Flawnego. Le commerce de la rue Saint-Jacques, dans le Vieux-Montréal, appartenait au caïd Ducarme Joseph.

M. Louis, un gaillard de 6'4 à la carrure impressionnante, se souvient que le matin du 18 mars, il est allé chercher Ducarme Joseph chez lui, à Dollard-des-Ormeaux, et qu'ils sont arrivés à la boutique vers 11h. L'endroit était en rénovation, et un électricien était à l'oeuvre. Sur place, il y avait aussi Jean Gaston, oncle de Ducarme Joseph, et Peter Christopoulos, un «ami».

Vers 13h30, ce dernier discutait avec M. Louis, dans la boutique, quand ils ont vu arriver deux individus vêtus de noir, avec des tresses (dreads), des masques et portant des gants de baseball. «Ce n'était pas l'Halloween. Avec les gestes qu'ils ont faits, on a deviné que c'était un complot. Peter a commencé à courir, je l'ai suivi. Le shooting a commencé», a relaté M. Louis.

Pendant sa course vers l'arrière de la boutique, M. Louis a été atteint de projectiles aux bras et à une hanche, mais il a quand même réussi à se réfugier dans une petite salle de bains.

La porte ne se verrouillait pas, mais il s'est accroupi et la tenait fermée de tout son poids. Il se souvient que quelqu'un donnait des coups, essayait d'ouvrir la porte. Environ «20 coups» ont été tirés à travers la porte, évalue M. Louis. Il a été atteint à la joue droite. Une autre balle est entrée par l'arrière de sa tête et s'est cassée en morceaux, près de son cervelet.

Finalement, quand le silence est revenu, M. Louis a appelé le 9-1-1 pour signaler l'attaque, puis il est sorti. Par terre, près de la salle de bains, il a vu Jean Gaston, l'oncle de Ducarme Joseph, inconscient. Un peu plus loin, il y avait l'électricien Alain Gagnon, blessé, dont la tête était rendue «grosse comme un ballon de basket».

À l'hôpital

M. Louis est monté dans sa voiture, une Cadillac Escalade que Ducarme Joseph lui prêtait, et s'est rendu dans un hôpital. Sur place, il a demandé à une infirmière de lui montrer où se trouvaient les urgences. M. Louis se souvient qu'à ce moment-là, il a «presque perdu connaissance».

«Parce que je n'avais pas mangé et que j'avais perdu beaucoup de sang», a-t-il précisé.

Ce jour-là, M. Gaston est mort, de même que Peter Christopoulos, qui était le garde du corps de Ducarme Joseph. M. Christopoulos a eu la malchance de se diriger vers une porte de sortie qui était condamnée, a indiqué M. Louis. Ducarme Joseph, qui était quelque part dans la boutique, s'en est pour sa part tiré indemne. Selon la preuve, une soixantaine de coups de feu ont été tirés dans la boutique.

M. Louis est sorti de l'hôpital le soir même, mais y est retourné le lendemain pour faire extraire des projectiles. Aujourd'hui, il a encore des fragments de balle dans le corps.

Ami ou patron?

En contre-interrogatoire, l'avocat de la défense, Marion Burelle, a traqué les contradictions dans les déclarations et témoignages rendus dans le passé par M. Louis. Me Burelle a aussi tenté de faire préciser au témoin les liens qu'il entretenait avec M. Joseph, «bien connu comme un gros joueur du crime organisé".

«Je ne l'ai pas connu comme ça. C'était un ami», a répondu M. Louis.

Le contre-interrogatoire de M. Louis se poursuit aujourd'hui.