Conscient que le métier d'artiste est en dents de scie, Bruno Pelletier a voulu se créer un bas de laine en investissant, au fil des ans, 174 000 $ dans Mount Real. Il a tout perdu, comme 1600 autres investisseurs.

«J'avais honte, mais je n'ai plus honte. Vous, vous devriez avoir honte», a lancé le chanteur d d'une voix ferme, alors qu'il témoignait ce matin au procès de Lino Matteo. L'homme de 51 ans est jugé sous 308 accusations pour des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières. On lui reproche d'avoir récolté de l'argent des investisseurs sans prospectus, et d'avoir présenté des informations fausses ou trompeuses susceptibles d'affecter la valeur des titres. Ses manigances auraient fait perdre 130 millions $ à 1600 investisseurs. Ces gens croyaient investir dans des placements sécuritaires.

C'est le cas de Bruno Pelletier, qui a investi un premier 5 000 $ en 1996, alors qu'au début de la trentaine, il commençait «à sortir la tête de l'eau», a-t-il dit. M. Pelletier était un parfait néophyte dans le monde de la finance, admet-il. D'année en année, il a réinvesti sur les conseils d'un courtier, qui était devenu un ami. «Mes actions semblaient prendre de la valeur, et le courtier semblait extrêmement confiant», a expliqué M. Pelletier. Il a signalé que tout avait l'apparence d'une compagnie très solide. De plus, le taux d'intérêt pour l'époque n'était pas démesuré, ce qui inspirait confiance.

La honte 

Tout a éclaté après son dernier placement, en 2004. Les plaintes ont commencé à fuser. M. Pelletier n'a jamais pu récupérer son argent.

«On a honte quand on s'en rend compte. On se sent extrêmement naïf de s'être fait prendre», a-t-il dit. Mais en assistant à sa première assemblée de créanciers, il a constaté que beaucoup de gens étaient dans son cas : des médecins, des avocats... «Je me suis trouvé moins niaiseux.»

C'était la première fois que M. Pelletier se trouvait en face de M. Matteo, et il lui a dit sa façon de penser : «Je ne comprends pas le genre d'humain que vous êtes. Vous avez brisé des vies. Peut-être pas la mienne, parce que je suis encore assez jeune pour me refaire», a-t-il dit, avant que la juge l'interrompe. Tout ce qu'il disait devait être traduit en anglais au bénéfice de M. Matteo.

Rappelons que le procès, présidé par la juge de la Cour du Québec Hélène Morin, s'est ouvert en mars dernier, à Montréal. L'exercice, long et complexe, doit durer de dix à douze mois, mais fera relâche à partir de demain, pour l'été. Pour la dernière journée d'audience, la poursuite a décidé de faire entendre sept personnes qui ont perdu leurs investissements dans l'aventure. M. Pelletier était le premier de ces témoins.