Alors que les travaux de la commission Charbonneau exposent régulièrement les malversations dans le milieu de la construction, un juge de la Cour supérieure a vertement dénoncé le travail au noir en condamnant mercredi deux fraudeurs arrêtés dans l'importante opération policière Dorade en 2008.

Serge Perrier, un ancien comptable, et Paul Godler ont été condamnés respectivement à 52 et 30 mois de prison pour leur rôle dans un réseau de fausse facturation et de travail au noir dans le milieu de la construction démantelé par les membres de la Division d'enquête contre la criminalité financière organisée (DECFO) de la Sûreté du Québec. Les sommes éludées par ce réseau dirigé par le «génie de la fraude» Ronald Chicoine, précédemment condamné dans cette affaire, ont dépassé les 4,5 millions.

Perrier et Godler ont été reconnus coupables par un jury de fraude, vol, complot, et production et usage de faux en 2012. Perrier a également été jugé coupable de gangstérisme, ce qui explique sa sentence plus importante.

Le juge se vide le coeur

Sur l'entête de sa décision écrite de 36 pages, l'honorable juge Guy Cournoyer reprend la citation du magistrat américain Oliver Wendell Holmes qui orne l'entrée de l'édifice du Service du Revenu à Washington: «Taxes are what we pay for civilized society» (Les taxes sont le prix à payer pour une société civilisée), pour établir le contexte de son jugement.

Dans les deux pages suivantes, le juge Cournoyer, qui a été procureur-chef-adjoint de la commission Gomery, dénonce les effets pervers de la fraude dans la construction.

«Les conséquences de l'évasion fiscale privent nos gouvernements de revenus importants, la charge fiscale des citoyens qui respectent les lois est injustement accrue et les entreprises honnêtes subissent une concurrence déloyale», écrit le juge.

«L'érosion de la confiance des citoyens dans la capacité de l'État à administrer soigneusement les deniers publics et à s'assurer que tous contribuent équitablement à l'effort collectif entraîne une distorsion inévitable du débat démocratique sur le rôle et la nature de l'intervention de l'État.

«À terme, cela ne peut qu'engendrer cynisme et désengagement envers la vie publique et l'action gouvernementale», ajoute-t-il. De son côté, le procureur de la Couronne, Me Paul Mercier, s'est dit satisfait des sentences «qui s'inscrivent dans la foulée de la décision de la Cour d'appel dans le cas de Ronald Chicoine».