Aux yeux de son avocate, Pierre Lacerte est un «laïc» qui fait du «journalisme citoyen», «documenté», dans l'unique but d'inciter les élus à faire respecter les lois. Aux yeux de Me Julius Grey, c'est plutôt un homme qui cultive un «intérêt malsain» envers la communauté hassidique et qui a diffamé allégrement trois de ses membres.

Les deux avocats ont dépeint un portrait bien différent de Pierre Lacerte, mercredi, dans le cadre des plaidoiries qui ont clôturé le procès en diffamation intenté par trois membres de la communauté hassidique montréalaise à Pierre Lacerte, résidant d'Outremont.

Michael Rosenberg, son fils Martin et Alex Werzberger (représentés par Julius Grey) poursuivent Pierre Lacerte pour 375 000$. Ces trois hommes d'affaires lui reprochent essentiellement les propos qu'il tient à leur égard dans son blogue «Accommodements Outremont». En retour, Pierre Lacerte leur réclame 725 000$ en dommages et pour abus de procédures.

Julius Grey concède que Pierre Lacerte, ex-journaliste, a le droit de donner son opinion sur les accommodements raisonnables. Par contre, dit-il, il ne peut «cibler» des membres de la communauté en les traitant, entre autres, de «fanatiques», de «menteurs» et de «sages à barbe au-dessus des lois terrestres édictées par des goys (non-juifs)».

Selon Julius Grey, plus du tiers des chroniques de Pierre Lacerte mentionnent le nom de Michael Rosenberg, président de la société immobilière Rosdev. Me Grey déplore le fait que ses clients soient associés «sans preuve» à différents gestes critiquables attribués à la communauté hassidique. Dans son blogue, Pierre Lacerte dénonce notamment des rénovations faites sans permis à la synagogue devant chez lui, rue Hutchison, et la coupe d'un arbre mature appartenant à la Ville sur le terrain de la synagogue. «La seule offense qu'il peut prouver, c'est le stationnement en double», a dit Me Grey.

L'avocat estime que ses clients ne sont pas des figures publiques et que leurs entreprises et leurs voitures ne sont pas d'intérêt public. Il a demandé à la juge Claude Dallaire de contraindre Pierre Lacerte à retirer de son blogue la presque totalité des mentions de ses clients.

Le but: museler

Selon la procureure de Pierre Lacerte, Me Rosalia Giarratano, les plaignants n'ont qu'un but depuis le début des procédures judiciaires: museler son client. Elle a rappelé que, lors du procès, deux témoins ont affirmé au tribunal que les Rosenberg ont déjà mentionné qu'ils étaient prêts à retirer leur plainte au criminel contre Pierre Lacerte s'il fermait son blogue.

Me Giarratano estime que les plaignants réclament 375 000$ à Pierre Lacerte parce que cette somme équivaut à la valeur de sa maison. «Ils veulent qu'il déménage, qu'il parte du quartier», a-t-elle dit.

À ses yeux, le sujet du blogue - les accommodements raisonnables - est d'intérêt public et les Rosenberg, quoi qu'ils en disent, sont des figures publiques.

«M. Lacerte ne critique pas les personnes juives parce qu'elles sont juives, a dit Me Giarratano. Selon elle, sont client agirait de la même manière avec quiconque. «Des illégalités demeurent des illégalités.»

Rosalia Giarratano a souligné que Pierre Lacerte «fait tout pour appuyer ses opinions». Dans ses chroniques, il met notamment des liens vers des reportages médiatiques qui traitent des sujets qu'il aborde.

La juge Dallaire a pris la cause en délibéré. Elle a six mois pour rendre son jugement.