Entre juillet et mars derniers, pas moins de 10 détenus du pénitencier de Donnacona auraient été victimes de surdoses causées par le fentanyl, un opioïde 40 fois plus puissant que l'héroïne, a appris La Presse de sources carcérales. Dans l'un des cas, des analyses ont confirmé la présence de carfentanil, 100 fois plus puissant que le fentanyl.

Aucun des détenus victimes de surdose n'est mort, grâce à l'administration de naloxone, un antidote sous forme de vaporisateur nasal auquel les agents en services correctionnels ont accès. Par contre, un des prisonniers est tombé en arrêt cardiorespiratoire le 23 mars dernier. Selon nos sources, après lui avoir administré cinq doses de naloxone sans résultat immédiat, les gardiens ont commencé à pratiquer les manoeuvres de réanimation avant que des ambulanciers dépêchés sur place prennent la relève. Tous ces efforts réunis ont permis aux autorités de lui sauver la vie.

Selon nos informations, six des détenus qui auraient été victimes d'une surdose de fentanyl l'auraient été durant l'été et l'automne 2017, au moment même où l'on répertoriait davantage de cas similaires à l'extérieur des murs, notamment à Montréal. Les quatre autres surdoses carcérales au fentanyl seraient survenues en février et mars de cette année.

Les gardiens inquiets

Frédérick Lebeau, président régional du Syndicat des agents correctionnels du Canada (CSN), confirme ces informations. Même si les résultats des analyses de Santé Canada n'ont pas encore établi avec certitude la présence de fentanyl dans tous ces cas de surdose, M. Lebeau affirme que tout tend vers un nouvel épisode de méfaits causés par cet opioïde qui fait des centaines de morts aux États-Unis et dans l'Ouest canadien.

«C'est dangereux pour les détenus et inquiétant pour les gardiens, qui se mettent à risque. Il a parfois fallu jusqu'à six doses de Narcan [nom commercial de la naloxone] pour sauver un détenu. Que se passera-t-il lorsque les quantités de fentanyl consommé seront plus fortes?», demande-t-il.

«Les Services correctionnels clament haut et fort qu'ils ont une politique de tolérance zéro pour les drogues, mais nous n'avons pas les outils pour faire respecter cette politique.»

D'après nos informations, le 18 janvier dernier, les gardiens ont saisi 32 grammes d'une poudre blanche au pénitencier dans laquelle Santé Canada a confirmé la présence de carfentanil.

Livraisons par drones

À la fin de janvier, deux livraisons de drogues, téléphones cellulaires et autres objets illicites ont été effectuées par drones au pénitencier. Selon des sources, au moins un drone toutes les deux semaines survolerait le pénitencier de Donnacona.

«Nous pensions que durant l'hiver, ce serait plus calme à ce niveau. Mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Les pilotes de drones réchauffent les batteries de leurs engins, ce qui leur permet de les utiliser durant l'hiver», affirme M. Lebeau.

Selon le chef syndical, la surdose au carfentanil serait survenue peu de temps après la livraison d'un colis par drone.

Pour contrer les drones et réduire les risques d'entrée de fentanyl à l'intérieur des murs, M. Lebeau réclame l'installation, dans les 11 pénitenciers du Québec, de filets au-dessus des cours extérieures et de nouveaux appareils de détection sophistiqués, comme il y en a en Ontario, pour effectuer le balayage électronique (scanner) de toute personne qui entre dans l'établissement ou en sort et déceler la présence de drogues.

Une étude en cours

La Presse a demandé une entrevue téléphonique avec un porte-parole de Service correctionnel Canada (SCC), mais ce dernier nous a répondu par courriel.

On nous a écrit que les livraisons par drones ne sont pas comptabilisées, car «nous n'avons pas de catégorie précise dans notre système» pour le faire.

SCC a également indiqué ne pas posséder d'information sur le nombre de surdoses reliées au fentanyl, car il ne reçoit pas les rapports toxicologiques qui identifient la ou les substances impliquées, à moins que la surdose soit mortelle.

Pour le reste, SCC martèle avoir une politique de tolérance zéro envers les drogues dans les pénitenciers et que la sécurité de ses employés est «une priorité absolue».

«Service correctionnel Canada (SCC) examine régulièrement de nouveaux outils pour limiter les incidents de sécurité et prévenir les atteintes à la sécurité. Nous travaillons actuellement avec le Conseil national de recherches et nous avons entrepris une étude collaborative des technologies commerciales pour la détection des drones. À partir de maintenant, SCC définira clairement les besoins en matière de système de détection des drones dans ses établissements en fonction d'une évaluation des risques. Ces étapes pourraient éventuellement mener à l'acquisition de systèmes de détection de drones par SCC», écrit une porte-parole de Service correctionnel Canada, Avely Serin.

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Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.