Empêcher des individus d'utiliser des véhicules comme armes mortelles est une tâche difficile pour les autorités, selon des experts.

Des voitures, des camions et des camionnettes ont été utilisés pour heurter des individus plus d'une douzaine de fois à travers le monde dans les dernières années, se terminant souvent par un carnage comme ce fut le cas dans le nord de Toronto, lundi.

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a déclaré lundi soir que ce qui s'est produit ne semble pas être lié à la sécurité nationale, mais a qualifié l'incident d'« attaque horrible ».

Ce ne sont pas toutes les récentes attaques au véhicule bélier qui ont été liées à des groupes terroristes, souligne Candyce Kelshall, professeure auxiliaire au programme d'études sur le terrorisme, le risque et la sécurité de l'Université Simon Fraser, à Burnaby en Colombie-Britannique.

Elle note qu'il y a eu au moins trois incidents en Allemagne, dans les dernières années, où des individus ont embouti des gens ou des édifices avec leur véhicule sans avoir de lien avec Daech (groupe armé État islamique) ou une autre organisation terroriste.

Mais peu importent les motifs, il est difficile d'empêcher quelqu'un d'utiliser un véhicule pour tuer, croit-elle.

« Vous ne pouvez empêcher les gens de conduire des voitures ou de marcher, explique Mme Kelshall. C'est une chose difficile à contrôler. »

Les véhicules sont une arme populaire parce qu'ils sont accessibles, ajoute Alex Wilner, professeur adjoint à l'école des affaires internationales Norman Paterson, à l'Université Carleton, à Ottawa.

« C'est mortel, c'est facile et c'est peu coûteux. Donc si on fait le calcul, ça ne prend pas grand-chose pour tuer des gens », dit-il.

Les villes cherchent de plus en plus de moyens de placer des barrières entre les véhicules et les piétons, souligne M. Wilner.

À certains endroits, des camions à ordure et des camions de pompiers sont placés à l'entrée de festivals ou de marchés, ajoute-t-il.

Des mesures semblables ont été mises en place à Toronto lundi soir, alors que les rues étaient fermées près du Centre Air Canada, où les Maple Leafs disputaient un match de séries éliminatoires.

M. Wilner précise que plusieurs véhicules utilisés lors de récentes attaques avaient été loués et qu'on pourrait vouloir créer un registre pour tenter de prévenir des attaques similaires. Il est toutefois difficile de savoir à quoi pourrait ressembler un tel registre ou une base de données, indique-t-il.

L'expert en contre-terrorisme Mubin Shaikh croit qu'une liste interdisant la location à certains individus serait réactionnaire et n'aurait qu'un impact minimal.

Si des restrictions sont imposées pour la location, des gens pourront quand même emprunter ou voler des véhicules, rappelle-t-il.

« Un criminel tentera de prendre ce qu'il pourra, de n'importe quelle façon », dit-il.

« Est-ce que cela découragera un assaillant déterminé ? Probablement pas. »

M. Shaikh, qui vient de Toronto, dit avoir entendu parler de la tragédie de lundi après avoir atterri sur une base militaire en Allemagne, où il devait donner une présentation sur les attaques au véhicule bélier.

« Malheureusement, c'est la réalité dans laquelle on vit de nos jours », admet-il, ajoutant qu'il est devenu extrêmement vigilant lorsqu'il marche dans la rue et qu'il tente constamment de repérer des bacs à fleurs en ciment ou des piliers derrière lesquels il pourrait se cacher si un véhicule grimpait sur le trottoir.

« En fin de compte, il est impossible (de prévenir). Nous vivons dans une société ouverte et des véhicules sont près de nous en tout temps. C'est la vie urbaine normale. »