Pas d'accusations de meurtre déposée contre Audrey Gagnon pour l'instant

Audrey Gagnon, cette jeune mère toxicomane de 23 ans dont la fille a été retrouvée morte, mercredi, dans une poubelle extérieure d'une résidence de l'arrondissement de Charlesbourg, à Québec, a été accusée jeudi d'entrave au travail d'un policier et d'avoir causé un incendie criminel lors de sa détention au poste de police dans la nuit de mercredi à jeudi.

Habillée d'un haut noir, les longs cheveux roux détachés et le regard qui balayait la salle d'audience pleine à craquer, Mme Gagnon n'a prononcé aucun mot le temps de sa courte comparution au palais de justice de Québec. Son avocat, Me Marco Robert, a expliqué aux journalistes qu'il n'avait toujours pas reçu l'entièreté de la preuve concernant l'accusée. L'enquête sur sa remise en liberté a été reportée à mercredi. D'ici là, Audrey Gagnon pourrait toutefois recevoir de nouvelles accusations en lien avec ce drame, alors que l'enquête était toujours en cours jeudi.

Mercredi, le corps inanimé de sa fille, Rosalie Gagnon, 2 ans, a été retrouvé dans une poubelle d'une maison unifamiliale de l'avenue de Gaulle, à Québec. 

Selon nos sources, l'enfant a été poignardée. Le corps de la bambine a depuis été transporté à Montréal où une autopsie sera pratiquée.

Une importante opération policière avait été déployée, mercredi, afin de retrouver la mère et sa fille après qu'une poussette vide eut été découverte au parc Bon-Air, à Québec. Vers 15 h, le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) a d'abord retrouvé Audrey Gagnon sur l'avenue Gaspard. Après l'avoir emmenée au poste de police, les enquêteurs ont finalement retrouvé le corps inanimé de la bambine vers 17 h sur l'avenue de Gaulle, non loin de l'endroit où l'on avait retrouvé la jeune mère.

Au cours de la nuit de mercredi à jeudi, les enquêteurs du SPVQ ont informé Audrey Gagnon qu'elle était en état d'arrestation pour le meurtre de sa fille. Le dossier d'enquête a été remis au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), qui déterminera les chefs d'accusation qui seront portés contre elle. Pendant la nuit, Mme Gagnon a été transportée à l'hôpital après s'être « désordonnée » dans sa cellule, selon les explications du SPVQ. C'est à ce même poste de police, selon l'accusation portée contre elle jeudi, que Mme Gagnon a « causé par le feu ou par une explosion un dommage à un bien ».

CONNUE DES POLICIERS

Audrey Gagnon était connue des policiers à Québec, a confirmé jeudi le SPVQ à La Presse. Elle a notamment écopé de six mois de prison, en 2014 et 2015, dans des affaires de voies de faits.

Aux prises avec des problèmes de toxicomanie, elle aurait été localisée par les policiers mercredi alors qu'elle était sous l'emprise de la drogue, a indiqué le quotidien Le Soleil.

Un homme qui affirme l'avoir côtoyée lors de réunions des Narcotiques anonymes (NA) a dit à La Presse ne pas l'avoir vue depuis au moins trois mois. Il raconte que Mme Gagnon, qui n'était pas son amie mais une simple connaissance, était une jeune femme « très discrète, qui ne parlait pas à grand monde ».

Sur Facebook, un homme s'identifiant comme un membre de la famille Gagnon a publié un long témoignage accompagné d'une photo de la petite Rosalie. « On vit un très gros drame dans la famille Gagnon. On a perdu notre petite Rosalie, la petite dernière de la grande famille », a-t-il écrit.

« Au moment où l'on a été informés qu'ils venaient de la retrouver et que [l'enfant] était décédée, la nouvelle a eu l'effet d'une bombe. [...] On a l'impression de faire un cauchemar », a-t-il poursuivi.

Une directrice d'une maison d'hébergement pour femmes violentées, où Audrey Gagnon a séjourné par le passé, s'est pour sa part dite « terrassée » par la nouvelle de la mort de la petite Rosalie.

« La situation fait l'objet d'une enquête. Je dois rencontrer un enquêteur, donc, je ne peux pas vous en dire plus que c'est une histoire qui touche tout le Québec et qui est tout à fait épouvantable », a-t-elle dit à La Presse, nous demandant de ne pas médiatiser le nom de la maison puisqu'elle héberge une population à risque.

« C'est la première fois de l'histoire de la maison que nous vivons une situation du genre. Aujourd'hui, on tente de stabiliser le bateau et on travaille avec le centre de crise pour gérer cette situation auprès de nos travailleuses », a poursuivi la directrice.

EXPLICATIONS DE LA DPJ

Critiquée dans l'espace public à savoir pourquoi Audrey Gagnon avait toujours la garde de sa fille, la Direction de la protection de la jeunesse à Québec a pris le temps, jeudi, de répondre aux questions soulevées, précisant toutefois qu'elle ne pouvait ni confirmer ni infirmer qu'elle était impliquée ou non dans le cas de Mme Gagnon et de sa fille Rosalie.

« Des parents qui ont des problèmes de toxicomanie et qui ont la garde de leur enfant, il y en a beaucoup. Ce sont des parents qui se prennent en main et qui vont chercher de l'aide. Des parents qui ont des antécédents judiciaires, il y en a aussi beaucoup, et ça ne fait pas d'eux nécessairement des mauvais parents. Il y a un ensemble de choses à considérer quand nous prenons une décision [de retirer ou non un enfant de sa famille]. Lorsque nous sommes confrontés à ces enjeux-là, notre but est toujours de protéger l'enfant », a affirmé Dominique Jobin, directrice de la protection de la jeunesse du CIUSSS de la Capitale-Nationale.

« Quand la sécurité ou l'intégrité physique d'un enfant est menacée à court terme, c'est clair qu'on va intervenir rapidement », a-t-elle poursuivi, ajoutant toutefois que « la loi commande le plus possible de maintenir un enfant dans son milieu familial ». Parfois, lorsque la DPJ décide de maintenir un enfant auprès de ses parents parce que la situation semble s'améliorer, « le comportement humain étant ce qu'il est, il y a tout un caractère d'imprévisibilité du comportement », a-t-elle toutefois précisé.

Mouvement de solidarité sur les réseaux sociaux

La mort violente de Rosalie Gagnon, 2 ans, continue de secouer tout le Québec au lendemain de la découverte de son corps inanimé dans une poubelle extérieure. En soirée jeudi, le mot-clic #JesuisRosalie devenait de plus en plus présent sur Facebook. Des centaines d'internautes reprenaient un message de solidarité, adressé aux mamans de ce monde, à qui il peut « arriver de baisser les bras » et « de ne plus savoir quoi faire » parce qu'elles sont épuisées. Les abonnés du réseau social invitent celles-ci à ne pas hésiter à demander de l'aide. « S'il vous plaît, venez cogner à ma porte et je vous aiderai [...] Mais ne vous en prenez pas à des êtres aussi petits et vulnérables », indique la publication, le plus souvent relayée dans sa version intégrale. Le court texte est accompagné du mot-clic à la mémoire de la bambine.

- Par Fanny Lévesque, La Presse